édito du n°9 Rhino. >LA TELE REGORGE D'EMISSIONS SUR LA TELE, L'INTERNET REGORGE DE SITES CONSACRES A L'INTERNET. C'est a priori une preuve de santé, un désir de débat, une atmosphère de réflexion. Pourtant, en dehors des programmes, des commentaires et de la parano de la censure, y a-t-il encore de la place pour ce que l'on pourrait appeler, dans un fonctionnement démocratique classique, de la critique ? Ça n'est pas évident. A la question : "Pourquoi votre émission n'offre-t-elle aucune critique des émissions ? ", le présentateur d'une fameuse émission sur la télé avait répondu : "PARCE QUE ÇA N'INTERESSE PERSONNE". Commentaire déprimant sur l'avenir de tout débat, aveu de mépris pour le public, assurance fate, élitiste, optimiste pour soi et pessimiste pour les autres. A l'évidence, un tel type, abordé par Socrate, aurait appelé les vigiles. >Voilà qui est bien vexant. Mais tellement d'époque. C'est le principe : "MARCHANDISE TOUCHEE- MARCHANDISE ACHETEE". Ne parlons de quelque chose que si nous en sommes "pro" dans les deux sens du terme : c'està-dire spécialiste et résolument pour. L'idée, par exemple, que l'éclosion d'un phénomène comme Internet ne peut déclencher que de l'enthousiasme ou de l'affolement, est du même ordre. Un journal qui en parle se doit d'être "accro" à son sujet, tout en versant dans le catastrophisme à l'occasion (Attention ! Les nazispornographes-censeurs-capitalistes sont sur le Réseau !). Pour être objectif, il se doit d'être du côté de ce à quoi il s'intéresse. Sinon, pourquoi s'y intéresser ? Il a le devoir de se présenter comme un manuel d'utilisation, un programme, accompagné des délires cyber-béats habituels. La dernière chose à laquelle un journal a droit aujourd'hui est au doute ou à l'équilibre. C'est ce qui empêche tout le monde actuellement de voir l'évidence, quant à l'émergence des nouveaux médias : s'ils sont passionnants ou dangereux, c'est parce qu'ils sont passionnément ou dangereusement NEUTRES. Toute attitude "pro" ou "contra" est forcément superficielle. La profondeur est dans la critique, la modération, voire l'indifférence. >C'est, selon la façon dont on le perçoit, l'ambition ou le manque résolu d'ambition de ce journal, qui est fier de ressembler parfois à ce que l'Internet a de plus utile et de plus délectable : LA CONVERSATION HUMAINE. A.W >interactif n°9 Mai 1996 03