8 EURÊKA CNRS/CEA/Université Paris-Saclay ALZHEIMER L-sérine, la bonne pioche ↑ Ci-dessus Astrocytes dans l’hippocampe d’un cerveau de souris. LEXIQUE Astrocytes Cellules du cerveau en forme d’étoile, assurant une diversité de fonctions importantes centrées sur le support et la protection des neurones. Glutamate Neurotransmetteur le plus répandu dans le cerveau. 1. Mircen (CEA-Jacob/CNRS/Université Paris-Saclay) et Neurocentre Magendie (Inserm/Université de Bordeaux). CEA-Jacob Institut de biologie François-Jacob (Fontenay-aux-Roses). Et si un simple complément alimentaire pouvait atténuer la perte de mémoire chez les patients atteint de la maladie d’Alzheimer ? Cette piste prometteuse doit à présent être confirmée… PAR SYLVIE RIVIÈRE Une petite molécule tout à fait banale suscite aujourd’hui bien des espoirs : la L-sérine ! C’est l’un des 20 acides aminés dont sont constituées toutes les protéines. Une équipe de chercheurs français 1 vient en effet de montrer son rôle déterminant dans le fonctionnement de la mémoire, et dans la survenue de la maladie d’Alzheimer. Tout est parti d’un constat : un cerveau malade consomme moins de glucose, et ce bien avant l’apparition des premiers symptômes. Existe-t-il un lien entre ce phénomène et le développement de la maladie ? « Des portions de voies métaboliques étaient déjà décrites, ce qui a guidé nos travaux, indique Gilles Bonvento, directeur de recherche à l’Institut de biologie François-Jacob du CEA. Nous savions LES DÉFIS DU CEA #241 notamment que dans le cerveau, le glucose est absorbé par des cellules particulières, les astrocytes. » Deux sérines impliquées En étudiant des souris modèles de la maladie d’Alzheimer, les chercheurs ont fait le lien entre la diminution de la consommation de glucose par les astrocytes et une réduction de la production de L-sérine, puis de D-sérine. De fil en aiguille, c’est toute une voie métabolique qui a ainsi pu être dévoilée. Que dit-elle ? Dans un cerveau sain, les astrocytes dégradent le glucose, un processus qui conduit, entre autres, à la synthèse de L-sérine, qui elle-même va se transformer en D-sérine. Tout se passe ensuite au niveau de l’hippocampe, une structure essentielle à la mémoire. Là, la D-sérine se fixe en même temps que le glutamate sur un récepteur particulier du neurone, le NMDA. Cette combinaison agit comme une clé dans une serrure, ouvrant ainsi le passage au signal électrique (autrement dit à l’information) entre les neurones, rouage essentiel dans l’apprentissage et la mémorisation. « Chez la souris malade, toute cette cascade biochimique est déficiente », précise Gilles Bonvento. Restaurer la mémoire Les chercheurs le savent, la L-sérine est un composé naturel qui peut être administré en complément alimentaire. D’où l’idée d’en ajouter à la nourriture des petits rongeurs. « Au bout de deux mois, ces souris au stade précoce de la maladie avaient complètement récupéré leurs capacités de mémoire spatiale ! L’activité des récepteurs NMDA dans l’hippocampe était restaurée, et les niveaux de L et D-sérine augmentés dans le cerveau. » L’effet serait-il aussi spectaculaire chez l’homme ? Les études sont en cours, notamment aux États-Unis, avec un essai clinique pilote sur un nombre limité de patients. Résultats prévus en 2021. |