Yegg n°76 janvier 2019
Yegg n°76 janvier 2019
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°76 de janvier 2019

  • Périodicité : mensuel

  • Editeur : Yegg Magazine

  • Format : (170 x 240) mm

  • Nombre de pages : 34

  • Taille du fichier PDF : 13,0 Mo

  • Dans ce numéro : la bataille contre le sexisme.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
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OBLIGÉES DE FAIRE LE BOULOT DES PROGRAMMATEURS... Dans les studios de répétition, sur les scènes, dans les métiers techniques, aux postes à responsabilités, les hommes occupent souvent de 85% à 90% des places. C’est ce constat qui a introduit la table ronde autour de l’égalité des femmes et des hommes dans les musiques actuelles, le 9 décembre 2017. Un an plus tard, le chiffre est quasiment identique. Le 8 décembre, à la Maison des Associations de Rennes, HF Bretagne – en partenariat avec l’ATM/TransMusicales – a poursuivi cette réflexion lors de la 3e édition de sa manifestation annuelle « Les femmes haussent le son !  : Elles sont (presque) là ». « Tout le monde pense que femmes et hommes devraient être égaux mais tout le monde dit, qu’à son niveau, il ne peut rien faire. » Sarah Karlikow, conseillère artistique à Spectacle Vivant et membre d’HF Bretagne, pose le cadre du débat. À ses côtés, quatre expertes. Eloïse Bouton, spécialisée dans les droits des femmes et des LBGT+, fondatrice du média français Madame Rap et cofondatrice de House of Consent, média en ligne sur la sexualité, le consentement et les violences. Aline Penitot, compositrice, journaliste, chroniqueuse, productrice radio et membre du réseau Fair_play destiné à promouvoir la visibilité et la valorisation Janvier 2019/yeggmag.fr/26 culture des femmes cis et trans dans les domaines de la création sonore, des musiques expérimentales, alternatives et électroacoustiques contemporaines. Marine de Bruyn, cheffe de projet au Bureau Export Paris et membre du bureau de shesaid.so France, antenne d’un réseau international, acteur majeur de la parité et de l’inclusion dans l’industrie musicale. Et Sarah Dessaint, responsable du service culturel de l’université Rennes 2, diplômée en Etudes de genre. Ensemble, elles représentent une partie de la pluralité des parcours et des profils du secteur CÉLIAN RAMIS
traité. Et prouvent qu’elles y ont toute leur place. Une place légitime qui reste malheureusement encore à conquérir. EN CHERCHANT, ON TROUVE Si l’égalité est l’affaire de tou-te-s, les intervenantes dénoncent l’obligation des femmes à mâcher le travail des programmateurs et des labels. « Ça devient agaçant d’entendre qu’on ne trouve pas de femmes dans le rap et le hip hop. Quand on veut en trouver, on en trouve. La musique n’est pas genrée, il faut arrêter ! », scande Eloïse Bouton qui a, avant de lancer son média, recensé les rappeuses sur un Tumblr, afin de lutter contre les clichés – « on peut être féministe et aimer le rap » - et l’invisibilisation majeure des femmes dans ce secteur  : « Elles sont à la portée de tout le monde aujourd’hui avec Internet. C’est fou que les labels me demandent à moi de leur trouver des rappeuses. Eux, ils sont payés, moi je suis bénévole. » COMBATTRE LA FLEMMARDISE AIGUE Au pire, la phrase « On ne programme pas un sexe mais un talent » fait toujours son petit effet si jamais quelqu’un-e ose pointer le manque flagrant de parité… Sérieusement ? Non. Programmer des femmes demande du temps, affirme Aline Penitot  : « Les femmes sont invisibles mais alors sous les radars, ça envoie ce qu’elles font, c’est dément ! Dans le secteur de l’expérimental, on est très nombreuses ! Pour faire une compilation, on a fait un appel à projets. On a reçu 90 œuvres dont 80 étaient créées par des compositrices. Le Centre de documentation de la musique contemporaine a été un peu surpris. Là encore, on a fait le boulot pour lequel ils sont payés. Et on a voulu aussi qu’il n’y ait pas que des femmes blanches, on a cherché en Tasmanie, en Egypte, en Syrie, etc. Donc oui, ça prend du temps. » Un temps qu’il faut impérativement prendre pour avancer, comme le souligne Sarah Dessaint  : « Il en va de la responsabilité de tou-te-s de bouger les choses et de refuser le système tel qu’il s’applique aujourd’hui. Je sais que ce n’est pas naturel et évident de penser une programmation en terme de parité et d’égalité. Et je sais que ce n’est pas facile de s’appliquer à soi-même l’objectif de parité même quand on est féministe dans l’âme. Mais si on ne s’y oblige pas, on fait des programmations culture non paritaires. On ne peut pas changer les choses si on ne se met pas des objectifs ! » REFUSER LE SYSTÈME ÉTABLI Si elles « acceptent » ce travail colossal de fond afin de mettre en lumière la multiplicité des talents des musiciennes, chanteuses, compositrices, techniciennes, etc., c’est parce qu’elles savent que peu le feront. En parallèle, elles mettent en place des actions concrètes pour activer les leviers de l’empowerment et la puissance des réseaux. « Ça permet de s’identifier, se regrouper, se sentir moins seule, discuter – dans un espace privé et cool - des problématiques que l’on rencontre, de nous donner les clés pour voir comment on peut agir, d’accueillir les nouvelles venues dans l’industrie de la musique et d’accompagner celles qui y sont déjà en les aidant à évoluer vers des postes à responsabilités si elles le souhaitent. », explique Marine de Bruyn qui souligne l’importance et le développement du mentorat et qui annonce la création prochaine d’un annuaire de professionnelles capables d’intervenir sur les tables rondes, les événements, etc.  : « Encore une fois, on fait le taf à leur place… » Les expertes réunies à la Maison des Associations font aussi état d’une autre pratique, celle de la chaise vide. Le réseau Fair_play, par exemple, refuse qu’une artiste soit programmée une fois dans l’année, en forme de caution, préférant négocier « une petite partie du pouvoir de programmation pour travailler ensemble sur la question de la parité. » Pour Eloïse Bouton, ça peut aussi être de décliner une invitation à participer à une table ronde parce qu’en règle générale, elle remarque que les rares fois où les plateaux sont féminins, ils sont aussi exclusivement blancs. Elle prône également la création d’espaces provisoires dits « safe » en non mixité (toutes les femmes et les hommes non cisgenres) « parce qu’on ne s’exprime pas de la manière dans ces cas-là. Ensuite, retour en mixité », poursuit-elle. Refuser le système établi, c’est aussi présenter une large palette de modèles pour que « les petites filles se projettent et pour cela, la question du matrimoine est essentielle », indique Sarah Dessaint. Et c’est aussi ne plus se taire, tant sur les inégalités vécues que sur les récits de violences sexuelles subies, et s’autoriser à être puissante et à être entendue. I MARINE COMBE Janvier 2019/yeggmag.fr/27



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