YEGG & THE CITY Épisode 56 : Quand j’ai été « Fatoumata, demandeuse d’asile excisée » Décembre 2018/yeggmag.fr/28 CÉLIAN RAMIS Samedi 24 novembre, 12h30. La marche contre les violences faites aux femmes vient de se terminer à République. À quelques dizaines de mètres de là, place de la Mairie, est installé le dispositif « 10 minutes pour le vivre », initié par le Planning Familial 35, en partenariat avec les associations rennaises comme Les Effronté-e-s Rennes ou Stop Harcèlement de rue Rennes. À l’accueil, une liste de personnes et situations est proposée afin de sélectionner un parcours pour le jeu de rôles. On peut être victime de violences gynécologiques, de cyberharcèlement, de violences dans le couple ou au travail, d’actes lesbophobes ou transphobes… À ce moment-là, je suis Fatoumata, 26 ans, demandeuse d’asile excisée à l’âge de 6 ans, fuyant la Guinée pour que mes filles de 3 et 5 ans ne subissent pas de mutilation génitale à leur tour. Je rencontre une voisine du pays qui me dit tout de suite que personne ne pourra rien pour nous. À l’association ou au groupe social, on m’explique les démarches à faire pour déposer ma demande d’asile et on me dit qu’il sera compliqué de trouver un hébergement, même avec des enfants… Chaque fois, il faut réexpliquer la situation, reparler de ce que j’ai vécu, insister. Pour rien. Même si l’écoute est bienveillante, les solutions d’aide, elles, sont absentes. Dix minutes se sont écoulées, je ne suis plus étiquetée « Fatoumata demandeuse d’asile excisée ». Je suis à nouveau moi-même. Française, blanche, avec un toit au-dessus de la tête et un clitoris au-dessus de la vulve. Un petit débriefing est prévu afin de pouvoir mettre nos ressentis à plat et en discuter. S’il est possible d’entrevoir une infime partie des violences vécues par Fatoumata, en revanche, il est quasiment impossible de se mettre à sa place. Parce que même en se prenant au jeu, on sait qu’il y a peu de risque qu’un jour nous vivions le dixième de ce qu’elle a subi. On constate alors à quel point il est difficile de se confronter à la situation d’autrui et de la comprendre dans sa globalité. Le dispositif est un succès. Les gens affluent, effectuent les parcours ou prennent le temps de lire les panneaux d’informations placés devant. C’est osé et essentiel pour une juste prise de conscience. I MARINE COMBE |