CÉLINE CHANTEAU PROFESSEURE D’EPS AU COLLÈGE, DOCTORANTE AU LABORATOIRE VIPS2, À RENNES 2 A 26 ans, elle effectue une thèse – actuellement en 2e année - sur « La construction des masculinités des jeunes garçons à l’école : du rôle des interactions avec l’enseignant aux coûts pour les élèves », au sein du labo Violences, Innovations, Politiques, Socialisations et Sports. Le 21 novembre, elle animait, sur le sujet, un café STAPS à la BU de Rennes 2. Pourquoi faut-il déconstruire les assignations chez les garçons ? Pour le masculin et le féminin, c’est un construit social. On ne devient pas une fille ou un garçon par ses gênes. L’intérêt de la thèse est de montrer que les garçons vont suivre un parcours semé d’injonctions virilistes. Des auteurs parlent de rites de passage. Pour devenir un « vrai » homme, il faut se faire sanctionner à l’école, montrer qu’on est fort, faire preuve de violence. Ces normes sont culturelles et non naturelles. Dans la société comme dans la salle des profs, dans les remarques que j’entendais, les gens ont l’impression que c’est naturel. J’ai analysé des phrases que je disais à mes élèves et parfois, ça craint. Quand on dit ‘Il me faut des hommes forts pour porter les tapis’… c’est chargé de sens. Ça veut dire que les garçons sont plus forts que les filles, qu’ils sont forcément forts… Et si ce n’est pas le cas, ce ne sont pas de vrais garçons. Décembre 2018/yeggmag.fr/10 Quels sont les différents types de masculinité ? société Il y a plusieurs types de masculinité, hiérarchisés. Au sommet, dans une société patriarcale, se trouve la masculinité hégémonique. Elle domine toutes les masculinités et la féminité. Elle varie selon les époques et les cultures mais a des traits communs : musculature saillante, grand, fort, qui impose un certain contrôle à son entourage, qui va plutôt réussir professionnellement, qui va dominer la femme. Dans le sport, c’est cette image qui est valorisée. Très peu de garçons peuvent y prétendre pourtant. Il y aussi la masculinité complice : ceux qui valorisent l’hégémonisme sans pouvoir y accéder. Après il y a les masculinités subordonnées ou marginalisées. En EPS, ils sont plus sensibles, extériorisent leurs sentiments, sont parfois un peu chétifs, privilégient des loisirs comme la lecture, le dessin... Souvent, ils sont un peu mis à l’écart. En souffrent-ils ? L’intérêt du travail va être de montrer que pour tous les garçons, il y a des coûts en terme d’apprentissage et de données subjectives, comme l’estime de soi. Pour les non hégémoniques, ils vont avoir une faible confiance en soi, donc ils ne vont pas trop s’appliquer en EPS, ils vont penser qu’ils sont nuls, qu’ils ne savent pas faire. Ça je l’ai observé mais je n’ai pas encore théorisé. Et pour les hégémoniques aussi il y a des coûts : toujours vouloir gagner, montrer qu’on est le plus fort, qu’on est sur la compétition alors que parfois ils n’ont pas du tout envie de le faire. Ils vont se blesser, être épuisés à la fin de la journée et ils vont parfois se désengager pour ne pas perdre la face. Ça aussi c’est négatif en terme d’apprentissage car dès qu’ils se sentent menacés ils ne vont pas faire. Ces normes sont très contraignantes pour tous. Tout le monde y perd. Filles comme garçons. I MARINE COMBE CÉLIAN RAMIS |