PORTRAIT Charles Aznavour « On ne pourra pas déformer l’histoire avec moi » Lorsque nous l’avions rencontré en 2011, il était si actif, si joyeux, si vivant, que nous avions pu évoquer la mort sans craindre de lui être désagréable. « On ne pourra pas déformer l’histoire avec moi. J’ai une vie trop simple. Et j’ai été tellement décrié, refoulé, nié… On a tout dit sur moi. » Charles Aznavour est parti une nuit d’automne, à 94 ans. Sa mort aura donc été plus simple, plus parfaite encore, que son existence. Mort en dormant, ou plutôt en travaillant, car l’incarnation la plus rayonnante du music-hall français n’aura jamais cessé de travailler. Il nous avait confié : « J’apprends mes textes la nuit » La rencontre s’était faite dans ses bureaux parisiens après sa visite à Versailles pour inaugurer dans les jardins de l’hôtel de ville, le monument érigé en l’honneur des combattants arméniens, morts pour la France en 1915. Inlassable ambassadeur de leur cause, Charles Aznavour ne ratait jamais une occasion d’évoquer ses racines. « Ni de droite, ni de gauche » il aimait 42 Versailles Magazine novembre 2018 - la France, la France et plus largement le monde, le lui rendaient bien. Chanté par toutes les générations et dans toutes les langues, il avait été consacré en 1998 « Artiste de variété du siècle » par les lecteurs de Times Magazine. « Les mots sont mon monde » Mais ce qui le faisait encore vivre et remonter sur scène, c’était les mots. « Les mots sont mon monde » disait-il. Brel, Brassens étaient pour le jeune Aznavour des artistes dont il louait le compagnonnage et le talent : « Tout ce que possède un artiste vient des autres, même le talent. » Un talent qu’il savait n’être pas suffisant et qui expliquait sa boulimie de travail : « Je travaille pour combler des lacunes, même si je sais qu’on ne les comble jamais vraiment. » Charles Aznavour ne recherchait pas la beauté d’un texte, mais son « efficacité ». Et ce principe même peut à lui seul le résumer. La médaille dont il était le plus fier était celle qu’il avait reçue de l’Académie française : « La plus petite, mais la plus précieuse. » Dorée comme l’huile tirée de ses champs d’oliviers. « L’amour, le travail et l’ouverture d’esprit » Toujours impeccable et souriant, il vivait, artiste géant, sans jamais oublier ses origines et les principes que lui avaient Jean-Yves Liénard, grand avocat versaillais Disparu le 9 octobre, à l’âge de 76 ans, Jean-Yves Liénard, était un avocat-pénaliste de renom, reconnu et admiré de ses pairs. Inscrit au barreau de Versailles à la fin de l’année 1974, il en avait remporté le très prisé concours d’éloquence. Une belle reconversion pour un ancien « vendeur de chaussures pour dames » qui à défaut de convaincre à l’achat, tentait de convaincre le jury des assises de l’innocence de ses clients. Il était un infatigable travailleur, épris de justice et d’humanité. Il était l’avocat de tous, des anonymes aux célébrités comme Bernard Tapie, Béatrice Dalle et Gérard Depardieu en passant par des figures du grand banditisme. Habile de ses mots, maîtrisant ses plaidoiries, les prétoires étaient devenus ses arènes de combat. Il avait établi son cabinet rue Royale à Versailles. TLN/François Desserre Abaca Press transmis ses parents : « L’amour, le travail et l’ouverture d’esprit. » Il cultivait une réelle curiosité pour son époque, traversée d’inquiétude parfois, en restant toujours à l’écoute des jeunes générations. Quand il évoquait Versailles il savait comme personne synthétiser en une seule phrase des siècles d’audace et de création : « Versailles est le berceau du baroque et de l’électro. » Et c’est vrai que ce n’est pas rien. |