var-matin les sports Dimanche 29novembre 2015 INSOLITE J adis, Philippe Da Silva adûtrancher. Entre fromage et dessert. Entre football et casseroles... C’était une autre époque. Monocouche. Où le ballon ne nourrissait pas le cuir de l’homme. Où les coups de pied au cul remplaçaient les boniments... Le môme de Cogolin n’avait que 14 ans et pourtant plus d’un dribble délié àson arcd’ailier.Des dribbles chaloupés et des songes de gosse. Plein sa caboche de Gavroche. Avec pour idoles les croustades de serial buteurs estampillés AS Monaco : Rosso, Onnis... Le chef étoilé de l’Hostellerie des Gorges de Pennafort enparle au présent. De Callas, il feuillette avec gourmandise son épais album Paninesque. Aux couches onctueuses, àpeine ternies par ces années consumées aux fourneaux argentés... « J’ai joué la Gambardella au Vélodrome. Contre Saint-Étienne, lâchet-il, nostalgique. Mais mon patron d’apprentissage, M. Boissier,m’a mis devant mes responsabilités. J’ai plié et j’en ai pleuré... » Adieu alors le fumet des surfaces. Les bicyclettes. Les débordements. Les romans inventifs aux retours lignes ponctués de chevauchées gratinées. « Même si je n’ai jamais pensé faire carrière... » Le feu follet s’en est donc allé loin de ses terrains d’évasion. De sa terre natale, pour monter sur Paris. Tenter sa chance et apprendre son ‘‘ métier. Devenu art entre ses mains expertes ! « J’avais 17 ans et je débutais dans la cuisine. De temps en temps, on allait jouer au Bois de Boulogne. En loisirs... » De temps en temps, tant le débutant au piano révisait ses gammes. Tandis que d’autres, non loin de ses incandescentes coulisses, livraient récital sur récital... « Je n’ai pas manqué une finale de coupe de France au Parc.Je me rappelle d’un Nice-Nancy en 1978 avec le but de la victoire marqué par Platini. J’étais vert... » Amitiés sur un coin de nappe Platini, bourreau de ses Aiglons, s’attablait fréquemment au Chiberta (alors 2 étoiles au Michelin). Il y avait aussi le fantasque Francis Borelli, baiseur de pelouse sacrée. « Il venait avec sa petite sacoche. L’ambiance était bon enfant. J’ai noué des affinités avec toutes ces vedettes. Et j’en ai vu passer des célébrités, de Tapie aux rugbymen du XV de France. On n’arrivait pas àles suivre à la troisième mi-temps... » Le mitron avait gagné ses galons de général depuis belle lurette. Reconnu à la baguette de l’établissement du VIII e arrondissement, le SOIRÉE « TOQUE ET LES SPORTIFS », MARDI 1 ER DÉCEMBRE Ambassadeur du goût de la vie Philippe Da Silva, chef de l’Hostellerie des Gorges de Pennafort, n’est pas uniquement un passionné de grande cuisine. Il est aussi dingue de sports et d’une générosité gourmande Facétieux, généreux, passionné de cuisine et de sports, Philippe Da Silva (ci-dessous avec Fred Cesar) mettra les bouchées doubles, ce1er décembre, au profit des enfants. (Photos Michel Johner) beau monde se pressait à sa porte des délices à épépiner. Lui, prenait plaisir àpartager ces parenthèses, croquantes Tu peux devenir pauvre du jour au lendemain. Il n’y a pas assez de solidarité » ou craquantes, avec ces étoiles au firmament de la popularité. Sans chichi. Ni forfanterie, le rideau de la bonne bouche fermé... Ce sens du contact n’a jamais quitté son épiderme braisé. Le dos tourné àlagrande dame, la capitale de ses premières amours à point, Philippe Da Silva a poursuivi son tableau de chair en son pays de cocagne. Sans penser,qu’un jour,les champions se presseraient au guichet déglacé. En toute humilité. Le dressage des sentiments a encore été le fruit d’une rencontre. « Un jour,James Huet m’a présenté Fred César qui organisait déjà la soirée « Toque et les Sportifs ». Mais il cherchait un autre lieu. J’étais un peu sceptique... » Pourtant, l’alchimiste s’est laissé convaincre par le concept : envoyer ces princes de la performance au feu (doux). « Je me souviens qu’il y avait Santoro, Ferreri, Rohr et, déjà, Michael Jones. Sauf que ça n’a pas été une franche réussite... » Après une fricassée de sourires complices avec son centurion César –assis àses côtés dans le salon ouaté –, place est faite au débrief. « C’est après ce demi-échec qu’on a décidé de modifier le concept et de se tourner vers une soirée caritative. L’idée m’est venue en participant au Grand cordon d’or à Monaco. » Ni une ni deux, les fournisseurs de l’Hostellerie ont été sollicités. Puis emballés. Mais fallait-il convaincre la famille Garassin, propriétaire de ce Paradis des gourmets. Banco ! Mieux, à chaque édition, elle se fond dans le moule avec un plaisir charnel évident. Au point que l’histoireensera, mardi 1er décembre, à son 15 e chapitre ! « Ce sera au profit de l’association de Pascal Olmeta, Un sourire, Un espoir. Etl’an prochain, Son album de recettes... T a n a U m a g a. « Nelson Monfortlui demande : « qui cuisine àlamaison ? » Tana répond : « moi. » Et derrière, sa femme ajoute : « Non, il va en cuisine justepour fairelavaisselle... » » DavidGinola. « Ilconsidèrelacuisine comme un matchdefootball.Quand tu prends un ticket, c’est pour voir du spectacle.Sur la pelouse ou dans l’assiette. Bravo ! » SonnyBillWilliams. « Ilades bras,ondirait mes cuisses. Mais quel gentil garçon. » ce sera exclusivement pour les Restos du Cœur... » Philippe Da Silva abeau évoluer dans le luxe suprême, il n’en ajamais oublié le démuni : « Tu peux devenir pauvre du jour au lendemain. Il yatrop d’inertie dans notre pays. Pas assez de solidarité... » Le regard sombre, le patron commande un petit noir.Carburant matinal. Gratte sa barbe de Robinson en ju- ‘‘ lienne et épaissit sa pensée : « Des mauvaises langues nous ont taxés de profiteurs. Qu’on organisait cette soirée pour se faire de la pub. Mais on n’en apas besoin. J’espère en revanche que ça donne des idées aux autres ! » En dépit des amères sarcasseries, le tandem de Pennafort a tenu le cap. Anourri son réseau. Le bouche à oreille remplissant son office. Si bien que la grand-messe tient toujours ses promesses de lettres de noblesse. Écrivain des bons goûts, le chef n’en ad’ailleurs pas perdu une miette. Au point de nouer des amitiés sur un coin de nappe. Aux chandelles. Devenues éternelles. « De belles personnes, j’en ai croisé tellement. Je pense à José Anigo que beaucoup enfoncent allègrement aujourd’hui. Il ne s’est jamais défilé. Il yaaussi David Ginola qui m’a étonné et m’étonne encore. Et, plus récemment, Romain Grosjean, un mec dispo, gentil, généreux... » Le pilote de F1 sera ànouveau en Lors du succès sur Chelsea, je suis monté au grillage » XVI pole mardi. Guidé par des papilles aiguisées et un sens culinaire pointu. Foi de Da Silva ! « Il est précis. En quête de perfection. À croire que pilotage et cuisine se ressemblent... » L’expert ne s’y trompe pas. Lui que Grosjean a embarqué dans sa biplace.Àfond les fourchettes... « J’ai pris une leçon de conduite avec un grand champion. J’avais un peu peur au départ. Ensuite, ça aété exceptionnel. D’une précision mathématique... » Voire machiavélique. Cassé, épuisé en s’extirpant du baquet, l’élève n’avait qu’un farouche désir : « Recommencer ce truc de fou. » Même si, en solo, une fois les consignes délivrées par le staff Lotus, il acalé àcinq reprises. « Je touchais les pédales de la pointe des pieds. Il afallu me mettre un coussin car j’étais trop petit ! » Et alors ? Même pas la trouille. Il est vrai qu’envoyer les chevaux sauvages, il y songeait depuis ses culottes courtes. Lorsqu’il passait la nuit dehors, avec ses grands frères, aguetté les phares des Zébulon du rallye du Var tels Mouton, Darniche... Maîtresse possessive Plus tard, invité sur une reconnaissance, il a eu droit à quatre tonneaux en mini Cooper. Mais pas une égratignure au compteur... La preuve, jusqu’à ses 40 piges –comme il dit –, il courait le cross du Figaro. Ou s’envoyait en danseuse dans la vallée de Chevreuse. Mais c’était avant. Avant Pennafort, sa maîtresse possessive. « Ce n’est plus possible et le sport m’a manqué. Désormais, je décompresse en papotant le soir avec des clients ou en me rendant chez nos petits producteurs... » Victime consentante d’un métier vampirisant, il n’aura effectué qu’un crochet par Mayol. Il s’est rattrapé à Chelsea, Arsenal... « Ah ! Arsenal, j’ai été invité par Seb Squillaci, un grand Monsieur.J’adore aussi Didier Deschamps. On avait suivi son aventure en Ligue des champions avec Monaco. Lors du succès sur Chelsea, j’en suis monté au grillage ! » Invité l’an passé, le sélectionneur des Bleus avait mis les petits plats dans les grands lors de la vente aux enchères. « Oui, il ales moyens. Mais j’en connais qui en ont plus et ne sortent pas le carnet de chèques pour aider les enfants... » Les enfants, ils seront au centrede toutes les attentions ce 1er décembre. Car le chef n’a rien oublié de ces parfums d’innocence. Mâtinés de cap’ou pas cap’ ? Philippe Da Silva l’est. Cap’. De là à ce que Cristiano Ronaldo lui rende visite après-demain. « Oh purée, ce serait magique ! » RAPHAËL COIFFIER - |