Le dossier du jour Des entrepreneurs sinistrés qui se battent Quand elles n’ont pas mis la clef sous la porte pour s’installer ailleurs, les sociétés les plus touchées en 2014 s’en sortent après de très lourds efforts, et redoutent un nouveau drame D es dégâts considérables. En janvier et en novembre2014, la ZA de la Pabourette, sur les rives du Maravenne, aété saccagée par les flots déchaînés. Depuis, quatre entreprises ont quitté le site. Alain Guibert, lui, est toujours là. Impossible pour le moment de trouver un autre terrain pour son garage, AG mécanique, spécialisé dans le gardiennage et la réparation de bateaux de plaisance. « L’eau est montée à 2mètres en janvier et à2,50 mètres en novembre », explique-t-il en montrant le liseré de boue qui marque encoreles murs. « Lapremière fois, les bateaux -une cinquantaine-sont restés dans le parking. La deuxième, ils ont été emportés jusque sur la voie rapide ».'1111. ! \\11\I Alatête d’AGMécanique, sur les rives duMaravenne, Alain Guibert asubi deux inondations et cherche àdéménager. Sans succès pour le moment. (Photos N. B.) Cherche terrain désespérément Quatre mois de nettoyage ont été nécessaires, et l’entreprise n’a pu avoir d’activités commerciales durant six mois. Il afallu racheter le matériel, les véhicules, réparer les bateaux… « Ceux qui ne l’ont pas vécu ne peuvent pas comprendre ce que c’est. Deux fois en moins d’un an, c’est énorme », assure Alain Guibert. « Notre assurance ne nous apas bien remboursés. On pensait être mieux assurés en novembre que pour la première inondation, mais non. D’abord, il y a 10% de franchise. Nous avions droit au total à45000 euros maximum. Nous avons récupéré en tout 34000 euros pour novembre.Moins qu’en janvier ou nous avions obtenu une perte d’exploitation ! On ne voulait pas signer mais cela retardait le dossier. Sur le nettoyage, on a touché 2500 euros ! Onapassé quatre mois à travailler… Prendre une entreprise, ça coûtait 10000 euros. Les assurances, quand vous avez la tête dans l’eau, elles vous l’enfoncent ».Alain alachance d’avoir une clientèle fidèle. « Les deux tiers sont restés mais je ne peux pas accepter de nouveaux bateaux ». Il multiplie depuis des mois les recherches pour trouver un terrain àlouer ou àacheter. « Mais c’est rare et très cher,les gens en profitent. Le seul que j’aurais pu acquérir sans problème, se trouve au bord d’un ruisseau, en zone inondable… Autant dire que ça ne m’intéresse pas ! ». Alain n’a pas refait ses peintures, prospecte et angoisse quand la météo s’emballe. « Trop de mauvais souvenirs », dit-il. L’expert Julien Savelli, président de la Fédération nationale de l’immobilier du Var « Informer sur les risques est obligatoire » Quel a été l’impact le plus marquant des inondations dans l’exercice de votre profession ? Un coup d’arrêt des ventes. En particulier à La Londe où les événements dramatiques ont étérelayés par les médias nationaux. Les images sont passées non-stop d’un village et d’un port dévastés. ÀLaLonde, le territoire était vaste et il y a eu beaucoup de résidences secondaires sinistrées. À Hyères, c’était plus sectorisé, mais essentiellement des habitations principales. Autant les médias locaux ont su faire la part des choses,autant les nationaux ont pu donner l’impression globale que les deux villes avaient été rayées de la carte. Du temps a passé, l’impact est-il le même aujourd’hui ? Sur le coup,le marché de l’immobilier s’est arrêté, surtout àLaLonde. Et puis,une fois que les images se sont éloignées,que les beaux jours sont revenus,ça a repris un peu. Ça se vend mieux sur La Londe depuis cet été.Les professionnels ont réussi à expliquer où étaient les zones inondables et les zones à risque.À Hyères,en revanche,le PPRI (Plan de Prévention du Risque Inondation) ayant été annulé en mars 2014, on ne dispose pas d’une cartographie précise pour expliquer où se situent ces zones inondables ou à risque. Et pour nous,c’est un gros problème car nous avons une obligation légale et déontologique de donner l’information la plus transparente possible de façon à ce que les clients puissent acheter en connaissancedecause,ensachant quelle est la naturedurisque. Quelle est votreanalysedelasituation ? Il faut être clair. Si des zones inondables sont identifiées,pourquoi ne délocalise-ton pas les habitations en indemnisant les habitants. Aujourd’hui, les collectivités engagent d’importants travaux de sécurisation. Mais il faut peut-êtrese poser la question de savoir s’il ne coûte pas plus cher de réaliser ces travaux d’envergure que de délocaliser.Est-ce que tout cela a été chiffré ? Les sinistrés ont-ils été nombreux à vouloir vendre leur bien ? À La Londe,le phénomène a été une totale surprise,donc les gens ont eu très peur et il y a eu une grosse augmentation des produits à la vente, parfois cinq maisons dans le même périmètre, d’autant qu’il y a une majorité de résidences secondaires. À Hyères,les sinistrés habitent sur place, dans le même quartier et avaient déjà subi des épisodes d’inondation. Ils savent qu’il est difficile de vendre, donc il yamoins de biens àlavente. Mais il yena. Est-ce que ce que l’on arriveàvendreun bien dans une zone sinistrée ? C’est difficile. Même s’il peut y avoir un effet d’aubaine quand les vendeurs sont prêts à faire de gros efforts. Et beaucoup Mobalpa : reconstruction réussie Face aux marais des Vieux Salins,lazone commerciale privée qui borde la RN 98 aété inondée comme l’ensemble du quartier,en janvier 2014. Durement impacté comme ses voisins,le magasin Mobalpa inaugurait en mars dernier son nouveaushow-room flambant neuf : 700 m2 dédié àlacuisine,lasalle de bain et l’aménagement intérieur.Une renaissance rapide et maîtrisée qui a permis à cette entreprise familiale bien implantée dans son créneau, de rebondir. « On avait 25 cm d’eau, des pertes colossales entre le mobilier et le sol. Avec l’informatique, plus rien ne fonctionnait, plus question d’accéder aux dossiers… », explique Fabienne Jourdan qui gère le magasin implanté depuis 25 ans sur ce site. Lesdégâts ont étéestimés à100000 euros,et un important investissement (Photo E.P.) Les dégâts aux magasins Mobalapa ont été estimés à 100 000 euros. (Photo N.B.) a été nécessaire pour reconstruireleshow-room littéralement imbibé d’eau. « Nous avons la chanced’êtreépaulés par notreassureur,l’agence MMA de la rue Peyron à Hyères,qui a été très réactif. Aujourd’hui, les activités ont repris et nous tenons la route. Nous nous maintenons et nous essayons de faire du bon travail.Mais nous ne vous cachons pas que lorsqu’il pleut, on tremble… ». de professionnels ne veulent plus proposer ce type de bien, car nous avons ce rôle de conseil et on craint, faute d’information, d’êtreprisendéfaut. La décoteest de quel ordre ? ÀHyères,leprixduM 2 àlaventeest estimé 3500 €, dans le quartier sinistré on est passé aux environs de 2300 €.Enfait, on arrive à vendre quand les vendeurs consentent des baisses importantes. RECUEILLI PARE.P. |