HISTOIRE D’UNE UNITÉ COLLECTION Les travailleurs français en Allemagne TEXTE : Philippe Guimberteau PHOTOS : Collections privées 1940-1944 Le processus de travail imposé au service de l’Allemagne va connaître différents stades au fur et à mesure de l'évolution des hostilités, allant de l'appel pressant au volontariat à la contrainte directe, avant de s'achever par une véritable tentative de « levée en masse », en 1944. Ce sont ces différentes phases, s’inscrivant d'octobre 1940 à juin 1944, que nous allons ici évoquer. Cette montée en puissance des exigences de l’Allemagne en guerre procède, bien sûr, d’une absolue nécessité de palier les vides creusés dans ses usines par la mobilisation militaire de ses propres ouvriers. Mais elle révèle, également, une volonté - fatalement déçue - de priver les forces de résistance locale d'un vivier d’opposants à ses troupes d’occupation. Echec du volontariat Prenant la mesure du chômage créé par le chaos économique et humain hérité du désastre de juin 1940 (lequel prive trop souvent les fabriques françaises des matières premières et des spécialistes indispensables), promettant des salaires attractifs et des conditions d'existence aménagées, les vainqueurs ouvrent promptement des bureaux d'embauche. Ainsi, dès l'automne 1940, des volontaires, au début majoritairement d'origine étrangère (Russes, Polonais ou Italiens) vont-ils choisir de partir travailler outre-Rhin. En tout, pendant la Seconde Guerre mondiale, on estime que plus de deux cent mille travailleurs venus de France se seraient ainsi portés volontaires pour l’Allemagne, dont un tiers de femmes. C'est aussi durant l'automne 1940 que l'Occupant procède à des rafles arbitraires de main-d'œuvre dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, tous deux rattachés à l’administration militaire de Bruxelles. Pourtant, le résultat global est si décevant que, dès le mois de février 1942, les Allemands vont exiger la fermeture des chantiers relevant du Commissariat au chômage des jeunes de l’Etat français, afin de tenter « d'accélérer le mouvement » vers l’outre- Rhin. Hélas pour eux, du mois d’octobre « Jeune Pétain » en grande tenue prêt au départ pour l’Allemagne. Sur la manche gauche, au-dessous du drapeau français, est cousu un écusson aux armoiries de la Normandie. (Photo datée du 3 novembre 1943). Le « coq » de l'Association nationale des amis des travailleurs français en Allemagne (ANATFA) en métal peint avec anneau de suspension (hauteur : 13 cm). 1940 au mois de juin 1942, ils n’ont convaincu que cent cinquante mille volontaires… Un hebdomadaire, Le Pont, est pourtant spécialement conçu pour eux, depuis Berlin. Deux évènements politiques survenus au milieu de l’année 1942 vont cependant précipiter l’adoption d’une grande « escroquerie », selon la terminologie employée à l’époque par les ouvriers concernés. Fritz Saückel, Reichsverteidigungskommissar (Commissaire à la défense) à Kassel, est nommé de fait, par Hitler, Plénipotentiaire général au service de la main-d'oeuvre dans les territoires occupés en mars 1942 et Pierre Laval devient, le 18 avril, Chef du gouvernement de l’Etat français. Le Werksausweis, véritable "carte d'identité de travail", veut être difficilement falsifiable. Le modèle protégé par un entourage métallique et recouvert de rhodoïd est le plus représentatif de la période. 68 UNIFORMES | COLLECTION |