La plaque d’identité du lieutenant Tommy-Martin, du modèle US. A côté, les fragments de la balle de mitrailleuse allemande de 7,92 tels qu’ils ont étés retirés de sa cuisse droite et qui lui furent fatals, le 26 septembre 1944. Le 23 août 1944, Abel embarque sur leL.C.I. 591 (landing craft infantry) à Pozzioli : le convoi formé de 40L.C.I traverse la Méditerranée, passe les bouches de Bonifacio et débarque le 25 août à Beauvallon, dans le golfe de St Tropez. Le lieutenant Tommy-Martin est affecté au B.M.4 à la compagnie Jeanperrin. A compter du 27 août, les troupes de la première division française libre remontent vers le nord au départ d’Aix-en-Provence. Alès le 31 août, Privas le 8 septembre puis Lyon, Villefranche. Le 11 septembre à Autun, il relève le bataillon de légion qui la veille a anéanti une colonne allemande faisant 3500 prisonniers. Il ne reste plus dans la région que quelques allemands isolés qui se rendent les uns après les autres. A partir de cette date, l’itinéraire s’oriente vers l’est, le 15 septembre, la compagnie est à Chalon et Beaune, puis à Dols le 17 septembre. Le secteur est tenu par les Américains. Abel rejoint le B.M. 4 à Villersexel et rapporte que partout les tirailleurs sénégalais sont bien accueillis et explique à des membres de sa famille que chaque fois qu’il y a un coup dur à donner, les américains laissent passer les français devant eux. Abel évoque également sa prochaine promotion au grade de capitaine. Le dernier combat Le 20 septembre, le lieutenant Tommy- Martin reçoit la mission de reconnaître le val de Gouhenans : la compagnie passe à La Vergenne et combat à La Vacheresse. Le 21, une reconnaissance des bois de Fraymont est effectuée et le 22, la compagnie assure le flanc-garde du bataillon de marche n°5. Le 25, c’est l’attaque et la prise de Lyoffan : les hommes passent la nuit devant Andornay, en Haute-Saône. Le 26 septembre à 10 heures 30, à la tête de ses tirailleurs, il fait partie de la première vague d’assaut. Une mitrailleuse allemande placée dans une maison ouvre le feu sur les « africains » à moins de 100 mètres : Abel reçoit deux balles, l’une qui brise la paire de jumelles qu’il porte en sautoir en provoquant des éclats, l’autre qui pénètre dans son abdomen et s’arrête sur le fémur droit. Perdant l’usage de sa jambe, Abel se glisse dans un trou de combat alors que le tir continue. Il avale toutes les pilules de son paquet de pansement. Un char fait taire la mitrailleuse et après trente minutes d’attente, Abel est secouru par des brancardiers. Grièvement blessé, il est évacué à l’hôpital de Villersexel dans un premier temps, puis à l’hôpital de Besançon et Mâcon ensuite. Dans les jours qui suivent, les tirailleurs sénégalais sont retirés du front en raison du froid qu’ils ne peuvent supporter. Malgré les soins, l’état de santé du lieutenant Tommy-Martin se dégrade et la plaie s’infecte, provoquant une hémorragie : il décède dans les bras de sa mère des suites de ses blessures le 4 novembre 1944 à 22 heures à l’hôpital de Mâcon : il est inhumé au cimetière de Fragnes (Saône-et-Loire). La famille Tommy-Martin a payé un lourd tribut à la libération de la France. Le frère d’Abel, Laurent, caporal-chef à la 2 e compagnie du 13 e régiment du génie de la 2 e DB est tué à Azerailles (Meurthe-et-Moselle) le 1er novembre 1944 par une mine allemande. Le cousin d’Abel, Guy Tommy-Martin, 2ème classe à la 2 e section du régiment de marche du Tchad, 2éme DB est tué le 28 janvier 1945 par des éclats d’obus à Grussenheim (Haut-Rhin). Le lieutenant Tommy-Martin est récipiendaire de la médaille coloniale avec agrafes Janvier 1943 : les « Africains » du lieutenant Tommy-Martin. Koufra, Fezzan et AFL, de la croix de guerre avec palme et étoile vermeil : il est fait par décret du 25 avril 1946 chevalier de la légion d’honneur à titre posthume. Il est titulaire d’une deuxième citation, celle-ci à l’ordre de l’armée, parue au journal officiel du 22 avril 1945, par décision n°515 du 16 mars 1945 signée du Général de Gaulle : « Tommy-Martin Abel, lieutenant au 4ème bataillon de marche : à l’attaque du village d’Andornay le 26 septembre 1944, est tombé grièvement blessé alors qu’il entraînait ses hommes dans un combat de maison à maison. La veille, avait enlevé avec brio la partie du village de Lyoffan qui avait été donnée comme objectif à sa section. Fait preuve au combat d’un sang-froid et d’une maîtrise de soi qui l’imposent à ses hommes. Son allant les entraîne dans les cas difficiles. Est mort des suites de ses blessures après plus d’un mois de souffrance ». En 1975, le général Massu, dans une lettre à la famille Tommy-Martin, décrit son ancien subordonné : « de votre frère Abel, je conserve le souvenir d’un beau garçon fin et distingué, réservé mais enthousiaste et ardent, habile topographe et dessinateur ». Dans ses souvenirs, j’ai découvert cette citation de Charles Péguy, qu’il avait recopié : « heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre, heureux les épis mûrs et les blés moissonnés ». Il fut parmi les tout premiers français libres, acteur et témoin d’une fantastique épopée qui mènera les hommes de Leclerc des confins du Tchad au nid d’aigle de Berchtesgaden à travers le désert libyen, tous unis par le serment prononcé à Koufra. Bibliographie : « L’odyssée de la colonne Leclerc », Didier Corbonnois, éditions Histoire et collections. « L’épopée Leclerc au Sahara », général Ingold, éditions Berger-Levrault. « Forces françaises libres, combats de l’espoir », Jean-Pierre Bernier, éditions Heimdal. Les effets de passementerie de l’uniforme du lieutenant Tommy-Martin : sa « banane » France porte encore les traces de son sang, les barrettes de grade, une patte de collet d’infanterie coloniale en cannetille, un insigne France Libre. Remerciements : Merci à Vianney Tommy-Martin et sa famille pour cette page d’histoire richement illustrée. COLLECTION | UNIFORMES 35 |