Histoire d’un combattant COLLECTION t Paris Match du 23 décembre 1950 : Retour des blessés d’Indochine. Dans le train sanitaire, le lieutenant Faulques salue d’une main les journalistes. (Reportage Claude Paillat – René Vital –) cessent. Seuls quelques coups isolés retentissent encore. Au bout de quelques minutes, c’est à nouveau des balles qui nous arrivent venant de plus haut, des tirailleurs marocains et des Goumiers qui à présent décrochent du cirque supérieur. Leurs tirs aveugles ne nous touchent pas car aucun légionnaire est désormais debout, nous sommes blessés à terre ou morts. Les légionnaires valides ont déjà dépassé la source et dévalent à présent la piste et les calcaires en direction de la vallée de Quang Liêt. Le 1er B.E.P a réussi sa mission, de percer l’enclave viet du cirque de Coc Xa, mais le bataillon n’existe pratiquement plus ! A présent, les Marocains s’engouffrent dans le goulet en hurlant une mélopée lugubre, et disparaissent rapidement. Un grand silence envahit alors le champ de bataille. Puis arrivent le commandant Segrétain accompagné du capitaine Jeanpierre (3). Les deux hommes se penchent sur moi, me réconfortent de quelques mots et me demandent mes dernières paroles. Vraux et Carta qui étaient revenus à la source me laissent à leur tour. Le caporal Carta insiste une dernière fois à rester avec moi, mais je lui donne l’ordre de descendre la piste, rejoindre les autres. Puis me dépassent aussi, les lieutenants Lacroix, Vaudois et Hochart avec quelques hommes blessés. En voyant passer Hochart bardé d’armes récupérées, je pense à un personnage d’un livre d’histoire de mon enfance, le chevalier d’Assas de la guerre de Sept ans, sortant victorieux d’un fort qu’il avait défendu. (3) – Le commandant Segrétain est mortellement blessé le lendemain au cours d’une violente embuscade alors qu’il essaye avec un groupe de légionnaires de rejoindre That Khé. Le capitaine Jeanpierre, lieutenant-colonel chef de corps du 1er REP en mars 1955, est tué le 29 mai 1958 dans la région de Guelma alors qu’il effectue à bord d’un hélicoptère une reconnaissance pour engager une compagnie de son régiment à l’assaut de caches ennemis. Insigne du 1er BEP Puis plus rien, à nouveau un silence troublant envahit la cuvette de Coc Xa, ça tiraille du côté de la vallée de Quang Liêt. En bas, la bataille continue… A présent, un autre combat est en jeu, celui de nos vies. Les blessés qui en ont la force se trainent vers la source et font un grand cercle autour de moi. Nous souffrons en silence, sans aucune plainte. Les cigarettes sont passées de main en main. Les plus gravement atteints meurent discrètement, dignement, dans un profond silence. Je regarde la source et je m’aperçois alors qu’elle est toute rouge de sang. J’ai toujours dans ma main mon pistolet décidé à abattre encore du Viet, mais je m’écroule dans un profond sommeil. » Laissé pour mort Le lieutenant Faulques reste ainsi pendant trois jours et t r o i s nuits littéralem en t paralysé s u r un des troncs d’arbre du r o cher de la source. A chaque réveil, il essaye de se débarrasser des asticots qui lui rongent l’épaule droite en soufflant par dessus et de côté. Au cours de la première nuit, il est réveillé par quatre torches, la première est tenue par un commissaire politique qui lui arrache son arme, la deuxième par un infirmier légionnaire du 1er BEP prisonnier, les deux autres, par des Viets qui récupèrent les armes du combat. Le légionnaire tente de s’occuper du lieutenant, mais le commissaire ronchonne en disant « Non pas lui, c’est un officier colonialiste, il n’a qu’à crever… ». Enfin, au quatrième jour l’ennemi réapparait, cette fois accompagné de femmes et de coolies transportant des brancards. Le lieutenant, alors placé dans une des civières, est dirigé sur un PC Vietminh où il retrouve le même légionnaire infirmier qui lui prodigue aussitôt des soins en débridant au canif la blessure de la cuisse gauche, mettant presqu’à jour le fémur. Le commandant apprend plus tard que l’initiative du légionnaire infirmier lui a sauvé la vie. Ensuite, il raconte son hospitalisation, et son rapatriement sanitaire en France. « Après être brancardé durant six jours à travers les pistes et la jungle tonkinoise, entre Dong Khé, That Khé et la frontière chinoise, je suis à nouveau déposé à That Khé pour être enfin pris en charge par la « Croix Rouge ». Si au cours de ce pénible périple, je suis resté vivant je le dois à un de mes gardiens viets qui m’a donné à manger du riz et des piments, me couvrant également d’une couverture contre le froid et la pluie. Au PC Vietminh de That Khé, l’ennemi pense que je vais bientôt mourir et inutile donc de me garder plus longtemps ici. t Le béret du commandant Faulques et sa barrette de décoration portée lors des cérémonies et des commémorations. (Reportage Guyader). 36 uniformes | COLLECTION |