Haut et Court Qu’est-ce qui a guidé vos choix de casting ? La notion d’harmonie. J’ai d’abord choisi Céline Sallette, puis je voulais que ma deuxième actrice s’accorde avec la première, etc. Je cherchais des parcours et des physiques différents : Alice Bagnol, par exemple, n’avait jamais joué auparavant. Malgré ces différences, je tenais à ce qu’aucune ne sorte du lot, à l’idée d’un collectif incarné. Je fonctionne beaucoup au son, à la voix : dans les scènes de groupe, il vaut mieux ne rien regarder et tout écouter. La plupart des personnages qui entourent vos prostituées sont joués par des cinéastes. Pourquoi ? Peut-être que tous mes films finissent par parler de cinéma… Ce sont des amis, des connaissances. Dans le rôle de la mère maquerelle, Noémie Lvovsky mêle dureté et bienveillance maternelle : elle met littéralement en scène les filles et les clients. Quant aux autres cinéastes, comme Jacques Nolot, Xavier Beauvois ou Pierre Léon, leur physique fait très 1900. 54 septembre 2011 La séquence finale a été reçue assez violemment à Cannes. Quelle est votre analyse ? Thierry Frémaux m’a dit qu’il avait beaucoup hésité à sélectionner le film en compétition à cause de cette scène. J’assume le débat : tout dépend de ce que l’on voit dans le plan. Céline Sallette dit « Je ne sais pas ce que je vais devenir », et on la retrouve cent ans plus tard, prostituée sur le périphérique. Je voulais expulser le spectateur par un retour au réel : il faut sortir de la matrice. Le numérique, utilisé pour cette séquence, le montre mieux que le 35 mm, qui est le format du reste du film. Le film est jalonné de très belles citations : « Les hommes ont des secrets mais ils n’ont pas de mystères. » Ou encore : « Si l’on ne brûle pas, comment les ténèbres éclaireront-elles la nuit ? » Un comédien lisait cette phrase en exergue d’une pièce de Pasolini, je l’avais notée il y a dix ans. L’idée de se consumer une dernière fois avant de s’éteindre est un peu romantique, mais j’assume. Le film, sous-titré Souvenirs de la maison close, témoigne d’une triple clôture : celle du bordel qui se meurt, du siècle qui s’achève, et d’une blessure qui cicatrise. Il y a l’idée de parler d’une décadence, de la fin de quelque chose que l’on n’a pas connu. Le souvenir, c’est aussi la trace, quelque chose d’un peu impressionniste. Je voulais qu’il n’y ait pas de surprise, que l’on assiste lentement à cette fin, au spectacle de cette pourriture magnifique. ♦ L’Apollonide, souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello Ave c : Céline Sallette, Hafsia Herzi… Durée : 2h02 Distribution : Haut et Court Sortie : 21 septembre Bande originale disponible le 15 septembre en édition collector (Blaq Out/Dissidenz) |