OFF BURLESQUE Dans sa cellule au Québec, qu’il partage avec un Hells Angel rustique et attachant, Paul Hansen raconte sa vie : l’enfance à Toulouse, auprès d’un père pasteur et d’une mère cinéphile ; le départ outre-Atlantique ; les petits boulots ; la déchéance loufoque du pasteur ; l’embauche comme concierge au sein d’une résidence à Montréal, job qui le mènera à sa perte… Dès les premières lignes, on est emporté par le rythme de cette minifresque à la fois drôle, mélancolique et tendre, dans laquelle Jean-Paul Dubois a disposé comme d’habitude quelques objets fétiches de son univers littéraire – outils, ascenseurs, neige… À travers la trajectoire de son narrateur, il peint une extraordinaire série de portraits de perdants sympathiques, gentiment toqués, éloignés des standards à des degrés divers – le Hells cérébral, le pasteur sans foi, un assureur philosophe… Ces « hommes qui n’habitent pas le monde de la même façon » sont les véritables héros de cet excellent roman porté par le style inimitable et terriblement efficace de Dubois, plein d’adverbes hyperboliques et de métaphores improbables. Avec, en prime, quelques moments de pur comique de situation, comme les tranquilles défécations du Hells sous l’œil du narrateur, sommets de burlesque scatologique que l’auteur parvient à ne pas rendre vulgaire. : « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » de Jean-Paul Dubois (Éditions de l’Olivier, 246 p.) LIVRES 92 CONDAMNÉ Dernier jour de camping pour Léonard, 17 ans. Hier, il a caché le corps d’un garçon mort par accident… Victor Jestin signe un premier roman tout en tension, portrait d’un ado désorienté qui subit sa journée comme un condamné. À mi-chemin entre satire de la joie de vivre obligatoire et relecture de L’Étranger dans les Landes, un brillant coup d’essai. : « La Chaleur » de Victor Jestin (Flammarion, 140 p.) GAULLIEN Encore un roman inspiré d’un fait historique ? Oui, mais réussi : Benamou raconte l’escapade allemande du général de Gaulle en mai 1968 à la façon d’une comédie, avec des portraits savoureux (Jacques Foccart, Michel Jobert, Jacques Massu, Georges Pompidou), des détails bien vus et des dialogues d’anthologie (l’explication de Gaulle- Massu). Françaises, Français… : « Le Général a disparu » de Georges- Marc Benamou (Grasset, 236 p.) TRANSGENRE En 1994, près de Manchester, une ado de 17 ans disparaît. Elle réapparaît vingt ans plus tard et prend contact avec sa sœur cadette… Nina Allan dynamite les codes du récit de disparition, dans ce roman psychologique inclassable qui s’autorise une percée dans la science-fiction pour mieux brouiller les cartes. Une œuvre transgenre. : « La Fracture » de Nina Allan (Tristram, 404 p.) |