ZOOM ZOOM FILMS CEUX QUI TRAVAILLENT Travailler LE REGARD DE CHARLES 82 — : d’Antoine Russbach, Condor (1 h 42), sortie le 25 septembre — pour vivre, ou vivre pour travailler : cela fait bien longtemps que le héros du film d’Antoine Russbach ne se pose plus la question. Cadre supérieur dans une entreprise de fret maritime, ce petit soldat ne compte pas ses heures, laissant régulièrement sa famille fonctionner sans lui. Bientôt viré à la suite d’un choix désastreux, Frank vit son licenciement comme une véritable amputation… Ceux qui travaillent ne propose ni nouveau départ ni rédemption, mais montre un homme torturé, incapable de penser autrement, aveuglé par cette société du travail mise en exergue par Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle de 2017. La caméra est plus posée que chez les frères Dardenne, mais l’esprit y est le même : les questionnements éthiques mis en place par les auteurs créent un sentiment d’inconfort persistant. Il fallait bien un acteur de la trempe d’Olivier Gourmet pour donner toute la complexité nécessaire à un personnage irritant, dopé à la valeur travail, totalement démuni une fois privé de sa dose quotidienne. L’addiction dans toute son horreur. THOMAS MESSIAS De — : de Marc di Domenico, Rezo Films (1 h 23), sortie le 2 octobre — Charles Aznavour, disparu en octobre 2018, on connaissait la musique, les écrits ou les rôles qu’il a tenus au cinéma, notamment dans Tirez sur le pianiste de François Truffaut ou dans Les Fantômes du chapelier de Claude Chabrol. Il se révèle en réalisateur amateur, dans ce film d’archives qui réunit des décennies d’images tournées par le célèbre chanteur aux quatre coins du monde, de Hong Kong à Dakar en passant par New York ou la butte Montmartre. Loin de se cantonner au simple hommage post mortem, cet assemblage de fragments de vie parvient à dépasser l’hagiographie. Car en restreignant son dispositif au minimum (les images d’Aznavour filmées avec une caméra Paillard, ses musiques et une voix off – celle de Romain Duris – récitant son journal), la démarche se revendique plutôt de l’héritage d’un cinéma à la première personne qui lorgnerait, toutes proportions gardées, vers celui de Jonas Mekas ou d’Alain Cavalier. On découvre ainsi une autre facette du chanteur, ici filmeur : celle où la star se dissimule dans le hors-champ pour mieux se mettre à nu par l’entremise de son propre regard. CORENTIN LÊ |