BOBINES les nazis de manière réaliste. J’ai joué Adolf Hitler plusieurs fois [notamment dans 100 ans d’Adolf Hitler. Les dernières heures dans le bunker de Christoph Schlingensief en 1989,ndlr] : à chaque fois, je pense à Charlie Chaplin dans Le Dictateur. La comédie peut aussi porter un message. Votre regard bleu perçant et énigmatique vous a permis de vous faire la part belle dans le cinéma horrifique. Vous avez joué dans quelques chefs-d’œuvre du cinéma d’épouvante parmi lesquels Suspiria de Dario Argento, en 1977. Oui, pour un tout petit rôle, mais qui est indispensable – c’est mon personnage qui explique à celui joué par Jessica Harper de quoi il retourne vraiment dans cette école de danse hantée. Je n’ai pas vu le récent remake [réalisé par Luca Guadagnino et sorti l’année dernière,ndlr], mais je ne comprends pas bien l’intérêt de refaire un film qui a cartonné : s’emparer de films avec de bonnes histoires mais qui n’ont pas marché me paraîtrait plus pertinent… Vous avez habité à Paris pendant des années. Vous côtoyiez la scène artistique de l’époque ? J’y ai vécu pendant six ans. La première fois que je suis venu, c’était pour la première de Chair pour Frankenstein aux Champs-Élysées. Après la projection, on a été dans un nightclub avec des amis dont Roman Polanski. Là, Just Jaeckin m’a abordé en disant : « Je vais adapter Histoire d’O de Pauline Réage au cinéma et je vous offre le premier rôle masculin. » Je lui ai répondu que je ne faisais pas de porno. Tout le monde autour de la table s’est agité en me disant que j’étais fou de refuser. Ils m’ont expliqué le scandale autour du livre, alors j’ai accepté. À Paris, j’ai rencontré beaucoup de monde. J’allais au Centre Pompidou avec Guy Maddin, je côtoyais Géraldine Chaplin, Jean Marais... Il suffisait que je reste un peu en terrasse aux Deux Magots pour qu’une femme vienne m’aborder et me dise que David Hockney voulait faire mon portrait. Je l’ai toujours. C’est aussi à ce moment que j’ai commencé à collectionner des œuvres de Giacometti, de Magritte, de Man Ray… À l’époque, on pouvait avoir un Picasso pour 2 000 dollars. Parmi vos quelques incursions dans le cinéma français, on trouve également un film de science-fiction érotique de Charles Matton au titre assez frappant : Spermula, sorti en 1976. Je marchais sur la Croisette au Festival de Cannes avec AlejandroJodorowsky qui me parlait de son projet d’adapter Dune au INTERVIEW 50 Histoire d’O de Just Jaeckin (1975) « Tout le monde m’a dit que j’étais fou de refuser le premier rôle masculin d’Histoire d’O. Ils m’ont expliqué le scandale autour du livre, alors j’ai accepté. » cinéma quand sur un hôtel j’ai vu cette affiche au titre horrible : Spermula. Je me suis dit : « Après Dracula, voilà tout ce qu’ils ont trouvé… » De retour à Paris, j’ai eu un appel d’un dénommé Charles Matton qui m’a invité à La Coupole pour déjeuner et me parler de son prochain film. Je lui demande : « Quel est le titre ? » Il me répond « Spermula. » Là, j’ai pensé : « Oh noooon ! … » Mais il m’a expliqué que c’était son producteur qui tenait à ce titre, pour des raisons commerciales. Lui, il voulait l’intituler L’Amour est un fleuve en Russie. Bon, j’ai fait le film. PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : JULIEN LIÉNARD — : « Bacurau » de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles, SBS (2 h 12), sortie le 25 septembre — RUE DES ARCHIVES EVERETT |