ZOOM ZOOM DIRTY GOD Défigurée VILLE NEUVE FILMS 70 — : de Sacha Polak, Les Bookmakers/The Jokers (1 h 44), sortie le 19 juin — à la suite d’une attaque à l’acide commise par son ex, Jade (prometteuse Vicky Knight) doit accepter sa nouvelle apparence, alors qu’un souvenir des plus douloureux est maintenant gravé dans sa chair. Cette jeune Londonienne qui aimait être regardée doit maintenant affronter le regard des autres, comme celui de sa fille de 2 ans ou de ses nouveaux collègues standardistes… La Néerlandaise Sacha Polak aborde le thème de la reconstruction de la féminité en collant à la peau de son héroïne. Cette voie vers la guérison peut rappeler deux beaux films récents sur des héroïnes traumatisées : Sibyl de Justine Triet, dans lequel le personnage de Virginie Efira perd pied en tentant de se remettre d’une rupture, et Comme si de rien n’était d’Eva Trobisch, sur une jeune femme qui en vient à nier son viol pour pouvoir continuer à vivre. Dirty God se distingue par sa poétique du corps, filmé sous tous ses aspects, notamment à travers des expérimentations formelles (surimpressions, ralentis et gros plans sur les cicatrices) et des scènes relativement explicites. C’est cette attention minutieuse portée à ce corps meurtri qui rend à celui-ci toute sa beauté. QUENTIN BILLET-GARIN À — : de Félix Dufour-Laperrière, Urban (1 h 16), sortie le 26 juin — l’origine : La Maison de Chef, une nouvelle de Raymond Carver – dont l’œuvre a notamment inspiré le Short Cuts de Robert Altman. À l’arrivée : un film d’animation mettant en parallèle deux destins, celui d’un couple séparé qui envisage de se donner une seconde chance, et celui du Québec de 1995 qui s’apprête à voter pour ou contre son indépendance. Le réalisateur Félix Dufour-Laperrière, coutumier de l’approche documentaire, signe avec Ville Neuve un premier long métrage de fiction qui impressionne. 80 000 dessins à l’encre de Chine ont été nécessaires pour composer cet enchevêtrement de tableaux parfois abstraits, souvent concrets, mais toujours d’une grande grâce. L’écriture et l’animation procèdent par esquisses, avec une apparente sérénité qui rend les moments de tumulte d’autant plus saisissants. Les monologues d’Emma et de Joseph, les deux protagonistes du film, laissent le cœur au bord des lèvres. En ressort la terrible sensation que, quels que soient nos choix de vie, « on naît seul, on vit seul, on meurt seul », pour reprendre les mots d’Orson Welles. THOMAS MESSIAS |