ZOOM ZOOM 11 FOIS FÁTIMA Gilets UN HAVRE DE PAIX FILMS 68 — : de João Canijo, JHR (2 h 33), sortie le 12 juin — jaunes et imperméables sur les épaules, onze femmes perpétuent la tradition de leur village du nord du Portugal en partant pour un pèlerinage à Fátima, au centre du pays. On se souvient des travellings emblématiques de Sans toit ni loi (1985), dans lesquels Agnès Varda accompagnait les errances de Mona dans le sud de la France. João Canijo en étire le dispositif avec ce film à mi-chemin entre fiction et documentaire, composé en grande partie de longs plans-séquences qui suivent la marche de femmes au caractère bien trempé mais à la détermination vacillante. Certaines craquent quand d’autres mènent la troupe, et les plus expérimentées sont souvent celles qui s’en sortent le mieux. Si leur épuisement est à l’origine de nombreuses crises de nerfs, un trouble captivant s’installe au regard des paysages défilant derrière ces corps exténués : qui, de la caméra ou de ces femmes, permet à l’autre de continuer à avancer ? On serait tenté de répondre les deux tant les travellings motivent la marche de ces figures de la même manière que celles-ci insufflent leur rythme à ce film étonnamment hypnotique. CORENTIN LÊ Comment — : d’Yona Rozenkier, Pyramide (1 h 31), sortie le 12 juin — retrouver la paix ? Le cinéaste israélien Yona Rozenkier suspend son premier film à cette question et crée une tension à travers sa mise en scène d’un lieu unique. En revenant sur la terre de leur enfance pour enterrer leur père, Yoav, Avishaï et Itaï, trois frères sur le point d’être séparés par le conflit israélo-libanais de 2006 qui vient d’éclater, ont l’occasion de retisser leurs liens. Leur foyer, c’est un kibboutz en plein soleil, hors du temps, loin du conflit en cours – et laissé hors champ. À partir de cette représentation très confinée du lieu comme théâtre du dilemme fraternel, Un havre de paix dresse le portrait d’un Israël rongé par la culpabilité et divisé de l’intérieur – le plus jeune de la fratrie, Avishaï, veut partir au front, mais remet son engagement en question au contact de ses frères et des souvenirs qui les unissent. Émouvant, ce drame familial se déploie pourtant dans une tonalité burlesque faite de ruptures de ton qui le rendent étonnamment léger. Le cinéma israélien confirme sa bonne santé, quelques mois après le furieux Synonymes de Nadav Lapid. QUENTIN BILLET-GARIN |