DÉCRYPTAGE POSSÉDÉS, DÉLIVRÉS L’Exorciste de William Friedkin (1974) Avant que Bertrand Bonello n’invoque la culture vaudou dans Zombi Child, en salles le 12 juin, plusieurs cinéastes ont mis en scène des êtres pris dans le tourment d’obscures possessions. De Jacques Tourneur à Andrzej Żuławski en passant par Na Hong-jin ou William Friedkin, chacun a envisagé à sa manière une libération des traumatismes par l’entremise d’un corps en mouvement. « Vous verrez que la superstition est une chose contagieuse. Bien des personnes se laissent souvent emporter ! » Tirée de Vaudou de Jacques Tourneur (1943), cette réplique, prononcée par le mari d’une femme zombifiée après avoir été victime de plusieurs crises de démence, évoque les légendes locales d’une île proche d’Haïti, terre d’élection de la mythologie zombie, où le film prend place. Des mots (et un film) qui résonnent avec le dernier long de Bertrand Bonello, Zombi Child, dans lequel Mélissa, une lycéenne haïtienne, confie à ses camarades que son héritage familial implique le risque d’une zombification. Cette révélation déclenchera la fascination de l’une de ses amies, Fanny, pour les croyances vaudou. Si le film de Bonello ne s’aventure que partiellement sur le terrain du cinéma fantastique, les corps des zombifiés, de leurs descendants et des maraboutés y sont le 46 centre de toutes les attentions : d’une part, ils viennent transposer les souffrances causées par l’esclavage et la colonisation à l’échelle figurative ; d’autre part, ces corps permettent d’incarner les esprits malfaisants eux-mêmes pour s’en affranchir, à l’image du rite vaudou final dans lequel Fanny cherche à se défaire d’un insurmontable chagrin d’amour. Soit livrer son corps pour mieux se délivrer de ses propres traumas. À BRAS-LE-CORPS Bien avant Bonello, cette trajectoire qui consiste à littéralement faire corps avec le maléfice et le traumatisme afin de s’en libérer donnait déjà toute sa force à L’Exorciste de William Friedkin (1974), le plus terrifiant des films de possession. L’imagerie chrétienne n’a certes pas grand-chose à voir avec les fétiches vaudou et haïtiens, mais l’une des dernières séquences du film montre, comme |