Trois Couleurs n°170 jun/jui 2019
Trois Couleurs n°170 jun/jui 2019
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°170 de jun/jui 2019

  • Périodicité : mensuel

  • Editeur : MK2 Agency

  • Format : (170 x 285) mm

  • Nombre de pages : 108

  • Taille du fichier PDF : 10,0 Mo

  • Dans ce numéro : la femme de mon frère.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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BOBINES Dans Le Daim, la nouvelle comédie horrifique de Quentin Dupieux montrée à la Quinzaine des réalisateurs, Jean Dujardin incarne Georges, un sérieux allumé qui tombe amoureux de son blouson en daim. Une passion qui va lentement vriller vers l’obsession, avant de carrément virer à la folie. L’occasion de discuter avec l’acteur de son goût pour la comédie qui, comme son déroutant personnage, ne fait pas de quartier. INTERVIEW EN SOLITAIRE Quel était votre lien avec Quentin Dupieux avant de tourner avec lui ? Je pressentais qu’on avait des points communs  : le silence qui précède une vanne me fait parfois plus rire que la vanne elle-même. Je pensais qu’on pouvait se retrouver là-dessus. Lui et moi, on a ce goût de l’arythmie. Dans ses films, il y a aussi ces passages sur des mecs seuls qui me plaisent bien. C’est rare, à l’heure où tous les vides sont forcément comblés. Et puis Quentin a aussi cet art d’aller à l’essentiel. Aucune complaisance  : il tranche vif, une heure vingt, à l’os. Balèze. Qu’est-ce qui vous a plu dans cette histoire pas banale d’un type qui phase complètement sur un blouson en daim ? C’est presque un suicide, ce film. Georges ne vit pas une régression infantile, il en est 36 presque au stade animal. Sur le plateau, je demandais à Quentin  : « Quand est-ce que ça va s’arrêter ? Quand j’irai laper dans le ruisseau ? » Et lui, il me répondait  : « Ah, bonne idée. » Comme une plume au vent, le personnage se laisse porter par son obsession pour son blouson, qui est tout naze, qui a une allure pas possible, qui est au-delà du ridicule. J’en ai essayé cinq avant de choisir celui-là, qui était trop court, avec des sales franges. D’ailleurs, ce n’est pas du daim, mais du velours de chèvre. D’aucuns disent que le rôle, c’est avant tout le costume. Vous êtes d’accord ? Beaucoup pensent que ça peut être une béquille, mais ça peut tout aussi bien vous enfermer. On risque de trop le jouer, le costume. Je pense qu’en tant qu’acteur, dès qu’on est un peu perdu, il faut revenir à l’intention du personnage, aussi absurde soit-elle. Là, j’étais dans un truc de démence interne, sans non plus trop insister dessus, parce qu’il n’y a rien de plus chiant que ceux qui surjouent la folie. Je voulais juste m’éteindre. Je me suis beaucoup reposé sur
ce film  : je n’ai jamais senti le moteur de la caméra, je n’ai jamais eu de contrainte, d’angoisse, aucun flip. Ce n’était pas évident  : il y a des réalisateurs qui sont incapables de vous filmer lorsque vous êtes éteint. Le film tend vers le cinéma d’horreur. Vous êtes amateur du genre ? J’aime cette trouille-là, ouais ; celle qui révèle l’angoisse par le vide. Il y a une scène comme ça dans L’Exorciste de William Friedkin, qui ne tient à rien et qui est terrifiante. C’est celle où la petite fille se met à pisser sur un tapis en regardant tout le monde d’un œil éteint. J’ai vu le film à 14 ans, j’étais seul dans la baraque, je n’ai pas dormi de la nuit. Dans Le Daim, c’est la première fois que vous incarnez un personnage qui flirte à ce point avec la folie. Je voulais jouer ça depuis tellement longtemps. Parfois, dans la rue, je me planque, et je regarde les gens déphasés devenir fous. Je me souviens d’un type qui criait « Mais vous êtes des chèvres ! Des chèèèèvres !!! » Et ça va où, les chèvres ? Dans le ravin. Avec ce genre de gars, il n’y a plus de frein, plus de relation possible, ils sont lâchés de partout. Ils deviennent cloches. Jouer un tel type, ça a convoqué quelque chose de super égoïste chez moi, un point psychiatrique très fort, celui de la solitude. Je suis né seul, je fais des trucs seuls. Il m’est arrivé parfois d’être très seul et d’en rire, ou d’être très angoissé et d’en souffrir. Il ne faut pas rester comme ça. Georges marmonne, il parle avec un air fuyant. Comment avez-vous travaillé sa diction ? En écoutant Quentin. Je me suis aperçu que, sans m’en rendre compte, je le singeais parfois. J’ai aussi trouvé la voix du JEAN DUJARDIN 37 personnage dans les silences, beaucoup plus que dans les dialogues. C’est ce qui me fait le plus rire au monde, les silences. Il y en a beaucoup de bien gênants dans les comédies de Blake Edwards, que j’adore ; Peter Sellers s’en amusait aussi. J’avais pas mal travaillé les silences pour OSS 117. Quand on fout la paix au public, je trouve ça bien. Ce que vous n’aimez pas, ce sont ces comédies qui recherchent absolument l’efficacité, le rire immédiat ? Oui, je sens trop la fabrication. Ça ne veut pas dire que je n’aime pas la vitesse, ça peut être merveilleux. On peut avoir des passages très speed, mais il faut qu’à un moment le flot s’arrête. Si c’est rapide en continu, ça me saoule, je suis fatigué. Sauf quand il y a un Vittorio Gassman [acteur phare de la comédie italienne, vu dans Le Pigeon de Mario Monicelli ou Le Fanfaron de Dino Risi,ndlr] qui envahit l’écran, vos oreilles. Lui, il va au-delà de la soûlerie, ça devient drôle parce qu’il ne s’arrête plus. Vous appréciez quand la comédie met mal à l’aise, quand elle pousse le spectateur dans ses retranchements ? Ça dépend de mon humeur, mais oui, j’aime bien. Les Anglais font beaucoup ça. J’aime quand la comédie se pointe alors qu’elle n’est pas à sa place. Quand un type glisse à un enterrement, ça peut être très drôle. Je ne suis pas très client de l’humour noir, mais j’aime la rupture. Elle se cache partout, la comédie. Or on a tendance à la calibrer, à la vulgariser de manière condescendante, de peur que les spectateurs ne comprennent pas. Trouvez-vous des liens entre le cinéma de Dupieux et certains de vos précédents films ? Je pense par exemple à Brice de Nice BOBINES



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