ZOOM ZOOM « PEU M’IMPORTE SI L’HISTOIRE NOUS CONSIDÈRE COMME DES BARBARES » Que RENCONTRER MON PÈRE — : de Radu Jude Météore Films (2 h 20) Sortie le 20 février — reste-t-il du massacre d’Odessa, perpétré contre des milliers de Juifs et de Tziganes par l’armée roumaine sur ordre du dictateur fasciste Ion Antonescu, en 1941 ? De nos jours, Mariana, une metteuse en scène maligne et butée, veut reconstituer cet épisode tragique dans une pièce qu’elle compte présenter gratuitement au public, sur la place centrale de Bucarest. Mais, peu à peu, elle se heurte aux critiques des représentants de la ville et de certains comédiens qui veulent la censurer, voire réécrire l’histoire. Dans un écho permanent entre la fiction théâtrale et cinématographique, le Roumain Radu Jude (Aferim !) questionne la représentation des génocides. À travers l’obsession de Mariana, qui occupe tout son temps à s’instruire sur le sujet en lisant ou regardant des archives, il dénonce le déni de la société par rapport à son propre passé. Comme pour contrer ce refoulement, il insère dans la modernité des fragments de la guerre – on pense à ces scènes durant lesquelles Mariana déambule autour du musée militaire de Bucarest. On ressort du film avec le sentiment que l’héroïne est un peu le double du cinéaste, qui livre ici un combat important contre l’obscurantisme. JOSÉPHINE LEROY Du FILMS — : d’Alassane Diago JHR Films (1 h 50) Sortie le 20 février — temps, il en aura fallu au Sénégalais Alassane Diago, pour revoir ce père qui avait subitement quitté le foyer alors qu’il était encore enfant. Durant des années, Diago n’a reçu aucune nouvelles de son géniteur, avant de s’envoler pour le Gabon afin de rencontrer cet homme, qui a refait sa vie aux côtés de sa deuxième épouse et de leurs enfants. C’est en grande partie chez eux qu’il a tourné, pendant un mois et demi, cet émouvant documentaire. Sans qu’une once de violence ne fasse déborder ces retrouvailles, le fils blessé ouvre un long dialogue en plans fixes – comme pour créer entre eux une routine – avec son père taiseux. Au tournant d’une banale conversation sur le cinéma ou sur les chèvres que ce dernier élève avec dévouement, le cinéaste, futé, aborde le sujet qui lui brûle les lèvres : pourquoi a-t-il été abandonné avec sa mère, qui épingle encore sur ses murs des photos de cet ex-époux et s’en remet à Dieu pour justifier son départ ? À la fin du film, une étrange inversion se produit : alors qu’Alassane Diago, d’habitude hors champ, s’intègre dans sa deuxième famille et passe brièvement devant la caméra, l’image de sa mère, absente, nous revient en boucle à l’esprit. JOSÉPHINE LEROY 78 |