ZOOM ZOOM Six ans après son Château en Italie, l’actrice et réalisatrice Valeria Bruni Tedeschi nous revient gorgée de nouveaux tourments à épancher dans Les Estivants, dernier chapitre tragicomique – en date – de son roman familial. Dans une villa chic de la Côte d’Azur, une grappe de privilégiés bulle en famille. Mais alors que chacun affiche un large sourire, la paix des ménages ne tarde pas à voler en éclats sous la tension d’intrigues d’une hilarante cruauté. Valeria Bruni Tedeschi interprète ici Anna, une cinéaste déboussolée par sa séparation d’avec Luca (Riccardo Scamarcio), alter ego de Louis Garrel (avec lequel Bruni Tedeschi entretint une relation amoureuse dans la vraie vie). La réussite du film se niche d’abord dans le traitement de cette rupture, que valide sans cesse la dissymétrie des façades. Car tandis que Luca reste impassible, le visage d’Anna ruisselle d’une pluie d’affects contradictoires, Diriez-vous, film à l’appui, que plus on est triste, plus on est drôle ? Pas toujours, et pas tout le monde. En ce qui me concerne, je trouve toujours les petits désastres de la vie quotidienne très drôles. Apprendre à en rire nous les rend plus supportables. J’ai beaucoup de gratitude pour les vrais comiques. J’ai découvert Blanche Gardin : un délice. FILMS LES ESTIVANTS incapable de contenir les orages et les éclaircies de sa météo intérieure. On pense alors à la Juliette Binoche d’Un beau soleil intérieur (Claire Denis, 2017), œuvre dévolue au climat d’un visage filmé comme un paysage versatile. Et pour qui aime les acteurs, le film sera d’autant plus jouissif qu’il redouble le pugilat d’Anna/Valeria d’un autre jeu de massacre, au sein de familles que l’on adore détester : celle du cinéma français, de la grande bourgeoisie, des Parisiens, et bien sûr des Sarkozy-Bruni (Valeria Golino et Pierre Arditi, très drôles). Dans le genre des films d’acteurs, c’est dire si cette ode à l’autodérision tombe à pic, un mois après Louis Garrel et son vaudeville ectoplasmique, L’Homme fidèle. ADRIEN DÉNOUETTE — : de Valeria Bruni Tedeschi Ad Vitam (2 h 08) Sortie le 30 janvier — 3 QUESTIONS À VALERIA BRUNI TEDESCHI Rire de soi, pour vous, est-ce la condition sine qua non pour se filmer ? Oui. En général, j’ai le goût de l’autodérision dans la vie et lorsque je fais l’actrice. Mais si je me filme moi-même, c’est absolument obligatoire. J’essaye d’aimer et de respecter mon personnage. De trouver du plaisir à « appuyer doucement où ça fait mal », comme disait Barbara. 58 Quel délai prenez-vous par rapport à vos blessures avant de vous mettre à écrire ? On dit souvent qu’il faut laisser passer au moins sept ans pour parler d’un événement douloureux. Je ne sais pas s’il y a un chiffre précis, mais en tout cas il faut un peu de distance. Et en même temps, je crois vraiment qu’il n’y a pas de règle. |