INTERVIEW NOUVELLES TERRES L’Argentin Mariano Llinás a pris au mot l’expression « film-fleuve » : La flor, tourné sur dix ans et découpé en six épisodes, dure presque quatorze heures et fait déborder la fiction. Comme seul fil de ce film composite, ludique et pas résumable, quatre actrices démentes (Elisa Carricajo, Valeria Correa, Pilar Gamboa et Laura Paredes) qui s’illustrent dans une multiplicité de registres (film d’espionnage, film musical, série B…). Une aventure haletante, motivée par le goût de la narration, dont nous parle un réalisateur même pas fatigué. Vous dites avoir réalisé La flor pour les quatre actrices principales. D’où viennent-elles ? Je les ai vues pour la première fois à Buenos Aires il y a quinze ans, tandis qu’elles jouaient une pièce intitulée Neblina. J’étais alors en train de réaliser mon premier film, Histoires extraordinaires, qui comme La flor tente de réfléchir à la manière dont la fiction peut être un véhicule d’intensité. Quand j’ai vu ces quatre filles, j’ai compris : on pouvait aller là où la fiction ne va pas 46 d’habitude. Par la suite, elles m’ont proposé de faire un film sur la pièce. J’ai accepté, mais en disant : « Plutôt que la pièce, on va faire tous les films ensemble. » La notion d’auteur me semble absurde : La flor n’est pas « mon » film, c’est « notre » film. En préambule du film, vous vous adressez aux spectateurs et vous leur expliquez avoir voulu refaire, dans l’épisode 1, une série B comme à l’époque où les Américains savaient en tourner. Cette mélancolie d’un cinéma qui n’existe plus est-elle ce qui vous a mené à La flor ? Je pense que La flor veut prouver à tous – y compris à nous-mêmes – que cette idée du cinéma est encore possible. L’importance de |