BOBINES Melvil Poupaud, à droite bouleversements concernant les abus sexuels et toutes sortes de délits cachés qui sont soudain révélés, en partie grâce aux réseaux sociaux. Tout le monde est très connecté aujourd’hui, et cette accélération de la communication imprègne d’ailleurs le film. J’ai comme tout le monde observé #MeToo, mais l’histoire de Grâce à Dieu s’attaque davantage au silence d’une institution. Cela m’intéressait de voir ici les victimes se confronter à la justice, ce qu’il n’y a pas toujours eu avec #MeToo. Quand quelqu’un dénonce quelque chose, on lui demande constamment : « Mais pourquoi tu ne l’as pas dit avant ? » Je voulais raconter comment cette délicate question de la prescription est traitée sur le plan judiciaire. Le film ne se montre jamais anticlérical. Il s’interroge simplement en filigrane sur le mode de fonctionnement de l’Église. Mes films ne sont pas là pour apporter des réponses, mais pour poser des questions. Je veux que le spectateur juge par lui-même, je n’impose rien. Quand j’ai fait Jeune & Jolie, tout était très ouvert aussi, et cela pouvait perturber. Sauf qu’ici la cause est juste – personne n’est pour la pédophilie. Le film est donc plus facile à accepter. Je m’intéresse certes aux victimes, mais je garde un regard très objectif sur le cardinal Barbarin [interprété par François Marthouret,ndlr] et sur le père Preynat [interprété par Bernard Verley,ndlr]. INTERVIEW « Je veux que le spectateur juge par lui-même, je n’impose rien. » 42 Vous avez pourtant conscience que Grâce à Dieu possède une forte dimension politique ? Je ne vais pas dire que le film n’a pas de message. On s’investit forcément quand on se frotte ainsi à l’actualité. Je montre, par exemple, à quel point des attouchements commis par des adultes sont destructeurs pour des enfants. Les flash-back soulignent cette sidération et cette incompréhension qu’on enfouit dans sa mémoire avant qu’elles ne ressurgissent des années plus tard et provoquent de grosses crises. Moi, je reste dans ma position de cinéaste en décrivant les sentiments des personnages, mais j’espère que les gens s’empareront du film et qu’il produira des effets. Car il a régné pendant trop longtemps un silence assourdissant autour de ces questions. Et je sais que la plupart des catholiques veulent que ces problèmes de pédophilie soient enfin réglés. L’Église doit désormais prendre ses responsabilités et faire sa révolution. PROPOS RECUEILLIS PAR DAMIEN LEBLANC PHOTOGRAPHIE : PHILIPPE QUAISSE/PASCO — : « Grâce à Dieu » de François Ozon Mars Films (2 h 17) Sortie le 20 février — |