Dans la deuxième partie des Éternels, alors que Qiao (Zhao Tao) assiste au spectacle d’un groupe folklorique qu’elle a croisé plus tôt dans le film, un champ-contrechamp vient opposer frontalement l’image du public immobile avec celle d’un chanteur et de ses partenaires, costumés aux couleurs du pays (en rouge et en jaune). Cette opposition du folklore et du peuple par une simple coupe au montage est une image récurrente dans la filmographie de Jia Zhang-ke. On la retrouve entre le jeune Xiao Wu et une pièce de théâtre dans son premier film (Xiao Wu. Artisan pickpocket, 1997), entre une troupe itinérante et son public dans Platform(2001), entre les danseuses et les visiteurs d’un parc d’attractions dans The World (2005) ou entre des villageois et une représentation en costumes traditionnels sur laquelle se clôt A Touch of Sin (2013). Malgré quelques différences (de contexte, de type de spectacle), ces situations reposent EN COUVERTURE LA MÉMOIRE Plaisirs inconnus (2003) DANS LA PEAU Depuis une vingtaine d’années, Jia Zhang-ke s’attelle à filmer les mutations d’une société chinoise coincée entre le folklore de ses traditions et la libéralisation brutale de son économie. Pour relier ces deux faces opposées de la Chine et nourrir ses derniers mélodrames, le cinéaste convoque continuellement des images et des figures de ses films passés. 36 toutes sur la présence simultanée du peuple et de l’imagerie obsolète qu’on lui vend. Cette répétition connaît une variation dans le champ-contrechamp des Éternels – la représentation a lieu dans la même salle où le personnage interprété par Han Sanming dans Still Life (2006) assistait lui aussi à un concert. La séquence y est reproduite à un détail près. Dans le dernier film de Jia Zhang-ke, le chanteur ne se joint plus à son audience, les spectateurs répondant sagement aux paroles chantées sur scène. Le contraste entre la communion de Still Life et la distance des Éternels laisse alors peu de place au doute : la Chine n’est plus capable de renouer avec ses traditions sans être en décalage avec son peuple. Quelque chose s’est brisé entre les Chinois et leur double scénique. L’ÉTERNEL RETOUR Si la sève mélodramatique des derniers films de Jia Zhang-ke s’écoule de cette fracture ouverte entre passé et présent, la puissance HU TONG COMMUNICATION |