BOBINES T Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan (2019) un gigantesque rocher sur un sentier de montagne avec la même aisance qu’Obélix transportant ses menhirs. JUSQU’AUX ABÎMES Bi Gan, lui, est de retour avec un film très remarqué à Cannes en 2018, en raison notamment de son usage fantasmagorique de la 3D relief et du plan-séquence. Un grand voyage vers la nuit, en salles le 30 janvier, prolonge les aspirations introspectives de Kaili Blues : difficile de dire si le protagoniste vit dans notre monde, dans un film ou dans un rêve, l’unique certitude étant qu’il erre dans ses souvenirs. Le passage d’une réalité à une autre intervient lorsqu’il pénètre dans une salle de cinéma et met des lunettes 3D (incitant le spectateur à en faire de même). Un peu plus tard, la manipulation d’un jouet optique, un thaumatrope sur lequel est dessiné un oiseau, lui permet de s’élever dans les airs. Précurseur de EN COUVERTURE l’art cinématographique, cet objet n’a pas été choisi par hasard : Bi Gan convoque le merveilleux pour mieux parler du cinéma et mettre en scène au cœur de son film l’émerveillement propre au spectateur. On assiste à une mise en abyme similaire quand, dans Suburban Birds, un personnage observe une autre scène du film grâce à ses jumelles. Ou lorsque dans Three Adventures of Brooke (Yuan Qing, 2018, encore inédit en France), une figure de démiurge révèle à l’héroïne ce qu’elle a vécu dans une existence parallèle, ou plutôt dans le segment précédent de ce film à sketchs… Autant d’invitations pour le spectateur à profiter des bienfaits conjugués d’un éveil à la fois esthétique, tant cette greffe du merveilleux nourrit la forme de chacun des films, et éthique, puisqu’aucun ne néglige pour autant de s’interroger sur les mutations actuelles de la Chine. HENDY BICAISE PASSER LE FLAMBEAU Jia Zhang-ke, figure de proue de la « sixième génération » de cinéastes chinois, se pose comme guide pour ses successeurs. En 2017, il a lancé dans le Shanxi, avec Marco Müller (qui a notamment dirigé le festival de Locarno), la première édition du Pingyao International Film Festival. Son ambition ? Promouvoir le cinéma d’auteur chinois, à l’heure où, comme il nous l’a dit avec précaution, « le marché du cinéma du pays vit une période d’enfermement » et où l’« on donne accès à un seul type de productions » – comprendre : les blockbusters. Pour contrer ce phénomène, le festival, dont la deuxième édition s’est tenue en octobre dernier, fait notamment un gros plan sur une jeunesse pleine de ressources (moins financières que créatives) – une section work in progress y diffuse même des films avant leur passage par la censure. « On crée un pont entre les jeunes cinéastes chinois et le circuit de distribution nationale [la production indé investit encore timidement, mais de manière exponentielle, les dizaines de milliers d’écrans chinois,ndlr] et internationale. J’aimerais surtout entretenir un esprit artistique dans la production cinématographique. » T. Z. 40 LIU HONGYU |