MÉDECINE DURE ÊTRE ET APPRENDRE Le documentariste Nicolas Philibert suit dans De chaque instant des élèves infirmiers qui assimilent, tâtonnent, échouent et surmontent de dures épreuves. Avec tact et finesse, il met la douceur de son regard au service d’une idée du soin altruiste et basée sur la tolérance. Alors que neuf de ses films ressortent en salles à la fin de l’été (La Ville Louvre, Être et Avoir, Nénette…), le cinéaste nous a reçus chez lui pour parler de ce qu’il a appris au contact de ces jeunes gens téméraires et généreux. De chaque instant, Être et Avoir… Vos films tournent souvent autour de la transmission. Faire des films, c’est transmettre une vision du monde. C’est se poser des questions de narration, se demander comment traduire ce qu’on a ressenti. Mais je parlerais plus d’apprentissage que de transmission. Quand vous filmez des gens qui apprennent, le spectateur comprend mieux toute la complexité d’un geste qui peut paraître simple lorsqu’il est exécuté avec beaucoup d’habitude par quelqu’un d’expérimenté. Apprendre, par définition, c’est essayer d’avancer vers des choses qui nous sont inconnues. C’est fragilisant, parfois difficile, et c’est vrai que c’est intéressant d’un point de vue narratif : vont-ils y arriver ? Vous, de qui avez-vous appris ? J’admire beaucoup de cinéastes, mais personne n’émerge comme un modèle qu’il 40 s’agirait de copier. Bien sûr, dans le champ du documentaire, il y a quelques grandes figures qui comptent pour moi : Johan van der Keuken ou Frederick Wiseman. Comment nouez-vous une relation avec ceux que vous filmez ? Je travaille de façon assez intuitive, je ne passe pas des semaines en observation avant de commencer à filmer. J’essaye de laisser toute leur place aux imprévus, et je prends ce qu’on veut bien me donner. Quand on tourne dans un milieu comme l’hôpital, il n’est pas question de forcer la porte des chambres à l’insu des patients. Être et Avoir est un exemple éclairant puisque j’ai commencé à tourner dès le premier jour. Il ne s’agit pas de se faire oublier, il s’agit de se faire accepter. Je suis là dans une présence discrète. Il s’agit de créer de l’affect, de la confiance. Il faut faire comprendre qu’on n’est pas là pour filmer tout, tout le temps et dans n’importe quelle situation. Filmer quelqu’un, c’est l’enfermer dans une image, c’est le figer dans le temps et dans l’espace. Le cinéaste a une sorte de responsabilité face à cette question-là. Un étudiant raconte que, lorsqu’il porte une blouse, un autre rapport avec les patients - Ni imli M..0 Mi |