ZOOM ZOOM L’éveil sexuel d’une jeune femme dans une Syrie au bord du gouffre. Porté par l’excellente Manal Issa, ce huis clos bunuelien, sélectionné dans la section Un certain regard à Cannes en 2018, révèle la cinéaste Gaya Jiji. Nahla étouffe. Confinée dans l’appartement familial avec sa mère et ses deux sœurs, la jeune Syrienne rêve d’un appel d’air. Le salut semble d’abord venir de Samir, Syrien expatrié aux États-Unis revenu à Damas pour trouver une épouse. Mais ce dernier lui préfère finalement sa sœur cadette, plus docile. Vexée de l’affront et sexuellement frustrée, Nahla va toquer à la porte de la voisine du dessus, Madame Jiji, qui tient une maison close. Un monde fantasmatique et tortueux s’ouvre alors à elle, tandis que, dehors, la révolte gronde – nous sommes en mars 2011, c’est le début de la guerre FILMS MON TISSU PRÉFÉRÉ Vous habitez en France. D’où viennent les images d’archives de la Syrie de 2011 émaillant le film ? Ce sont des images amateurs trouvées sur YouTube. Je tenais beaucoup à tourner en Syrie, je voulais des images de la rue, de Damas… Mais c’était impossible. D’où l’utilisation de ces images documentaires. J’ai changé ces contraintes en choix artistique. 00 58 civile. Avec ce premier film réalisé dans la foulée de trois courts métrages, la cinéaste syrienne Gaya Jiji, exilée à Paris, évoque les blessures de son pays par le biais de l’intime. Car si le soulèvement contre le tyran Bachar al-Assad reste quasiment hors champ dans ce huis clos tourné en Turquie, l’oppression du peuple, palpable, se lit dans le quotidien asphyxiant de ces femmes. Et en particulier dans le parcours sensuel de Nahla, belle de jour version « printemps arabe » brillamment campée par Manal Issa – l’actrice franco-libanaise offre à son personnage retors un imprévisible souffle libertaire. ÉRIC VERNAY — : de Gaya Jiji Sophie Dulac (1 h 36) Sortie 18 juillet — 3 QUESTIONS À GAYA JIJI Pourquoi mettre en parallèle un éveil sexuel féminin et la plongée de la Syrie dans la guerre civile ? Je voulais montrer comment ce combat extérieur se reflète sur les femmes à travers le combat intime de l’héroïne, contre sa famille, contre elle-même, dans sa quête de liberté et d’identité. Les contradictions du peuple renvoient à celles du pays. Le personnage principal n’est pas forcément très sympathique : elle vole, elle ment… C’est un choix. Je voulais créer un personnage complexe, une femme avec ses faiblesses et ses forces. Ces nuances correspondent à ce qu’on voit dans la réalité. J’en ai marre des films qui montrent des femmes victimes ou au contraire des héroïnes idéalisées. |