BOBINES 4 Dans Contes de juillet, vous jouez beaucoup avec les retournements de situation : un personnage harcelé devient plus trouble que ce qu’on imaginait ; le plus fort peut être fragilisé et les plus discrets peuvent gagner en épaisseur… Je suis un peu le principe des Contes moraux de Rohmer, où les cartes sont toujours rebattues. En un sens, et sachant qu’il s’est beaucoup inspiré de Marivaux, il y a une connexion avec le théâtre. Mais contrairement à l’art théâtral, qui fige le spectacle, le cinéma permet de faire bouger les rapports, les situations. On a vécu avec les acteurs une expérience purement cinématographique [le réalisateur a écrit avec des élèves du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, rencontrés dans le cadre d’un atelier,ndlr] : comme on EN COUVERTURE CONTES DE JUILLET Le début d’une amitié, la fin d’une autre… Ces deux marivaudages estivaux ont été conçus en 2016 lors d’ateliers – largement improvisés – avec des étudiants du Conservatoire. « L’Amie du dimanche » invoque ouvertement l’esprit d’Éric Rohmer, dont on retrouve les héroïnes faussement candides, l’économie légère du tournage, les dilemmes moraux secrétés par les stratégies de drague, le générique crayonné sur des monochromes colorés, mais aussi la topographie (la base de loisirs de Cergy-Pontoise, décor de L’Ami de mon amie). Plus proche du spleen alcoolisé de Hong Sang-soo, « Hanne et la Fête nationale » suit les atermoiements amoureux d’une Norvégienne à la Cité universitaire de Paris. Une relecture possible de la fable du Héron de La Fontaine (« On hasarde de perdre en voulant trop gagner ») innervée d’enjeux hypercontemporains (harcèlement, attentat de Nice), latents, subtilement chevillés à la fiction. ÉRIC VERNAY 34 écrivait au jour le jour, les personnages pouvaient, d’une prise à l’autre, s’affirmer davantage ou s’effacer. J’aime bien faire des plans qui durent longtemps et qui permettent au spectateur d’assister à un moment de bascule. Dans les scènes de drague, la séduction est tout en obstacles et détours. Qu’est-ce qui vous plaît dans l’idée de mettre en scène ces marivaudages ? Ce qui me plaît le plus au cinéma, c’est l’articulation entre la légèreté et la gravité. Qu’on se rende compte que ce qui paraissait anecdotique est plus grave que ce qu’on se disait. Quand on commence à prendre les sentiments au sérieux et que quelque chose de plus douloureux – une solitude, un rapport de force inégal – apparaît. |