IIL MANORS DistriB Films Riz Ahmed sur le tournage, je ne savais pas quelles parties du film seraient racontées par la musique, et lesquelles seraient racontées par l’action. C’est un premier film très ambitieux… J’ai tourné le court métrage qui est le point de départ de Ill Manors en 2007, et le long métrage en 2011. Entre temps, je n’ai pas arrêté d’essayer de faire ce film. Pendant le tournage, on a eu à gérer plein de trucs compliqués. On n’avait pas de budget. La police est venue, on n’avait aucune autorisation pour tourner. J’avais tout le temps l’impression d’avoir les mains liées dans le dos, et je me dis que si c’est ce que je peux faire avec les mains liées, alors imagine ce que je pourrai faire quand elles seront libres ! Je suis fier de ce film, même si je connais ses défauts. Il est trop long de quinze minutes, mais je pense que les gens en sortent en ayant ressenti quelque chose. Je préfère ça comme compliment à « c’était bien fait ». Je préfère un film avec une personnalité. Comment s’est déroulé le montage, était-ce compliqué de lier ces multiples intrigues de façon cohérente ? « J’avais les mains liées Dans le Dos, alors imagine ce que je pourrai faire quand elles seront libres ! » La structure est très organique, et c’est au montage que tout s’est débloqué. C’était à Noël. J’étais chez ma mère et j’ai bossé tout le temps, le soir du réveillon, la nuit du nouvel an… J’avais écrit les histoires un peu à la manière de Pulp Fiction, en commençant au troisième jour pour revenir ensuite au premier jour. Mais ça ne marchait pas. C’était un vrai coup au cœur, parce que j’avais tout mis dans ce film, j’avais l’impression qu’en changeant la structure je perdais mon objectif initial. Ensuite, je me suis retrouvé tout seul avec mon travail. Je buvais des vodka-Red Bull pour rester éveillé, je passais tout mon temps sur l’ordinateur, je m’endormais sur le clavier. Quand j’ai enfin fini la deuxième version, j’étais devenu à moitié fou, malade, et je détestais le film. C’était un travail difficile et solitaire. Dans le film, vous reprenez une scène de Taxi Driver, déjà reprise dans La Haine, durant laquelle un personnage, Aaron, s’apostrophe devant un miroir pistolet en main… Je voulais rendre hommage à ces films. Mais cette scène face au miroir est aussi un très bon mécanisme pour montrer la psychologie d’un personnage. À ce moment du film, on ne sait rien du passé d’Aaron, de son histoire familiale. Je voulais l’humaniser, en dire un peu plus sur lui. Ce genre de scènes permet aussi de ne pas être trop dans la démonstration, de ne pas tout dire par des dialogues, comme dans un feuilleton télé. Dans la chanson I’m the Narrator, vous samplez le morceau Aquarium de Camille Saint-Saëns, la musique sur laquelle débutent les projections au festival de Cannes… Oui, mais c’était un accident. Je travaillais encore sur le film pendant l’enregistrement des morceaux, j’avais le matériel de montage dans une pièce et le studio d’enregistrement dans l’autre. Je vivais littéralement dans le studio, donc je me suis endormi avec mon ordinateur allumé, et ce morceau qui tournait en 60 avril 2013 |