Quand elle n’est pas sur les routes, elle aime se retrouver chez elle dans sa communauté. Sa maison possède un soussol qu’elle veut transformer en salle de gym et de danse. Dans le séjour, des bandes sur le sol délimitent les contours des meubles qu’elle n’a pas eu le temps d’acheter. Nous nous asseyons donc sur des couvertures, comme si nous nous nous trouvions dans un espace de méditation. À 27 ans, Angyil McNeal a ressenti le besoin d’un peu de sécurité et de tranquillité, ce dont elle a tant manqué dans son enfance. Très tôt, elle a appris que pour danser à un niveau professionnel et réussir en dehors de sa ville natale, elle devait se débarrasser de ses peurs. Le talent de cette dernière a éclos durant son enfance, dans son jardin, pendant les fêtes d’été organisées avec sa famille. La jeune Angyil présentait ses mouvements de danse. Si ses sœurs aînées se moquaient d’elle au début, elle a tellement progressé que sa mère et ses sœurs ont réalisé qu’elle avait un réel talent. Pour la plupart des danseurs techniques, commencer la danse classique au collège, comme ce fut le cas pour Angyil McNeal, aurait été considéré comme un début très tardif. Mais le nombre incalculable d’heures passées à pratiquer pour les réunions de famille, ainsi que son envie et son talent naturel, l’ont aidée à se mettre à niveau. « Je suis convaincue que, lorsque vous êtes passionné par quelque chose, peu importe le moment auquel vous commencez. Votre passion vous aidera à rattraper votre retard, confie-t-elle. Vous resterez debout jusqu’au milieu de la nuit pour rattraper toutes ces années perdues. » Cette soif de danser s’est encore amplifiée quand, à 16 ans, elle a compris que la rigueur de la danse classique étouffait sa liberté de pensée et d’expression. Cette discipline était devenue trop stricte pour l’adolescente pleine d’énergie : Angyil sentait qu’elle avait plus à dire avec son corps que ce que la danse classique ne lui permettrait jamais. « Pendant un moment, la danse classique m’allait bien, parce que j’oubliais une grande partie de ma vie qui était faite de douleur, explique-t-elle. Mais en grandissant, je me suis rendu compte qu’on ne peut pas échapper à ce traumatisme. On ne peut pas échapper à la réalité. Et je voulais m’y plonger à corps perdu. J’avais l’impression qu’en danse classique, je devais faire semblant d’être quelqu’un que je n’étais pas tout le temps, poursuitelle. Je devais rassembler mes cheveux dans un chignon, mettre du maquillage et faire comme si tout allait bien. Mais j’ai des cheveux afro et j’en ai eu marre de les enduire de gel pour être sûre qu’ils ne s’échapperaient pas. Mon cœur me disait : «Ce n’est pas toi.» Cette vie-là ne me correspondait plus. » Après avoir obtenu très tôt son diplôme à la Paseo Academy, Angyil McNeal a raccroché ses pointes et suivi ce que lui dictait son cœur, à savoir pratiquer le hip-hop – et notamment le popping – à plein temps. Beaucoup de gens ont été déçus de la voir abandonner ce qu’ils pensaient être un billet pour la gloire. Finie l’élite du stage Alvin Ailey de Kansas City. Elle a pris la direction de New York pour travailler après avoir décroché son diplôme du secondaire. Pour Angyil McNeal, il n’y avait pas de retour en arrière possible. Si elle s’en allait, elle devait prendre des risques. À 16 ans, elle a déménagé dans le Bronx, à New York, avec la niaque pour seul bagage. Au début, sa famille était sceptique quant à son déménagement si lointain à un si jeune âge, mais elle en était « J’avais la dalle, dans tous les sens du terme. » aussi très fière. « J’avais la dalle, se souvient-elle. Dans tous les sens du terme. » Endurcie par son enfance à Prospect et à Troost, Angyil McNeal avait déjà quelques tuyaux pour réussir dans la vie, et elle s’est rapidement adaptée à la Grosse Pomme. Elle s’est fait des amis et a commencé à se produire dans le métro et dans la rue avec d’autres danseuses. Une fois, son crew a été arrêté pour mendicité lors d’une performance dans un train, mais elle revendique fièrement les clichés pris par la police, lorsque tout le monde a vogué. « Je me disais : «Si je dois aller en prison, c’est comme ça que je veux que ça arrive» », s’amuse-t-elle. La brutalité des New-Yorkais n’a pas non plus dissuadé Angyil McNeal de danser. Elle s’est installée en ville et a continué à performer dans la rue pendant quatre ans. La plupart du temps, elle 52 THE RED BULLETIN GETTY IMAGES |