DANIEL CRAIG « Le but, c’est de faire un bon film » C’est la fin d’une époque : Mourir peut attendre signe la dernière apparition de Daniel Craig sous les traits de James Bond. En quatorze ans, il sera devenu l’un des 007 les plus populaires. Comment a-t-il fait ? the red bulletin : Vous incarnez un commissaire excentrique dans À couteaux tirés. Cherchez-vous une alternative au personnage de James Bond ? daniel craig : Je ne pensais pas à ça. Le scénario était excellent ! Une comédie de surcroît ! C’est rare. Le scénario de Mourir peut attendre vous a-t-il déçu ? Au contraire. Il a été écrit par l’incroyable Phoebe Waller-Bridge, la créatrice de la série Fleabag. C’était un privilège qu’elle s’implique dans ce projet, car n’ayant pas d’expérience avec Bond, elle apportait quelque chose d’original. Et puis c’est un processus collaboratif, on se base sur les éléments des romans. Quelle a été votre contribution ? Si j’ai une idée à 3 heures du matin, je l’écris, j’en parle à l’équipe, je les harcèle presque. Nous tournons ici pendant plusieurs mois, j’ai besoin de savoir comment tout va se passer. Les réalisateurs et les scénaristes définissent le scénario. Tolèrent - ils votre engagement ? Peu m’importe, car c’est ma façon de travailler. Notre but à tous, c’est de faire un bon film. Plus le scénario est bon, plus nous, les acteurs, sommes détendus et à même d’improviser. Quelle est l’idée derrière le concept de Bond ? Avant d’interpréter un rôle, je l’analyse de près : qu’est-ce qui l’influence ? Pourquoi se comporte-t-il ainsi ? Je lui confère une profondeur psychologique pour le rendre intéressant, avec ses conflits intérieurs. Ainsi, je rends le personnage crédible. C’est comme ça que j’ai appris mon métier. Les derniers James Bond lèvent le voile sur la vie personnelle de l’agent 007. Pourquoi ? Ça a commencé avec Skyfall. Il semblait logique de poursuivre dans cette veine. Bond vieillit. Ce n’est pas un pochoir, c’est un individu dont l’histoire se poursuit d’un film à l’autre. Sans étoffer sa biographie, nous l’avons utilisée pour déclencher certains rebondissements dans l’intrigue. N’y a-t-il pas un côté de déjà-vu avec tous les films d’agent secret au cinéma ? Ce serait hypocrite de prétendre le contraire. Mais vous savez, on essaie toujours de réinventer la roue dans le milieu du cinéma. L’objectif est d’offrir au public un divertissement en rapport avec le présent. On se laisse influencer par d’autres films, sans les copier. C’est ça la clé. Les films de Bond collent-ils à l’actualité ? Elle fait partie de la donne. Mais il ne s’agit pas non plus d’épouser servilement les souhaits des fans. Le personnage de Bond a quelque chose d’intemporel. Il n’y a que comme ça qu’une histoire classique peut être racontée. Un film aussi peut vieillir rapidement. Quand vous avez endossé le rôle, vous n’avez pas fait l’unanimité. Comment avez-vous réussi à vous imposer ? J’ai tout de suite expliqué à la productrice, Barbara Broccoli, que je comptais sur la solidarité de l’équipe de réalisation. J’avais besoin d’être en confiance sur le plateau afin de pouvoir faire comme si j’étais vraiment James Bond. Pour me sentir partie intégrante du film, je devais pouvoir donner mon avis sur le scénario, le tournage, tout ça. Et c’est comme cela que ça s’est passé. Verra-t-on encore des films de James Bond au cinéma dans cinquante ans ? Ce sera sans moi ! Le personnage perdure car jusqu’ici, il a été préservé : les producteurs ne l’ont pas vendu à Hollywood. Ils ont réussi à donner à chaque film une identité propre. Si l’aspect financier était la seule chose qui intéressait les studios, Bond ne serait plus Bond depuis longtemps. Rendre chaque nouvel opus meilleur que le précédent, voilà qui pourra le garder pérenne. À condition que le public aime ! Sinon, il n’y a rien que je puisse faire. Mourir peut attendre, le 8 avril au cinéma 16 THE RED BULLETIN ERIK TANNER/CONTOUR RÜDIGER STURM |