Underground radio Au début des années 90, quand vous circuliez à Londres, vous pouviez tourner le bouton de la radio et trouver des centaines de stations illégales qui diffusaient discrètement via des antennes sans autorisation sur les toits des immeubles voisins. En révolte contre le courant dominant, ces « radios pirates » procuraient un accès facile à la culture musicale underground londonienne, de la jungle et de l’acid house à la scène naissante du grime au tournant du millénaire. Ces stations offraient aux communautés de migrants des émissions dans leur langue maternelle, défendaient les intérêts locaux et offraient une plateforme à la musique alternative, tout en gardant une longueur d’avance sur les organismes de réglementation qui tentaient désespérément de les faire fermer. En 2020, le paysage est tout autre. Bien qu’il existe encore une poignée de stations FM illégales, celles-ci fonctionnent en grande partie sans être inquiétées par les autorités et l’époque où les pirates régissaient la contre-culture musicale à Londres est révolue. C’est l’heure de la radio Internet. Une nouvelle génération de stations, ainsi que d’anciennes radios pirates comme À droite : sur le mur d’un parking désaffecté devenu espace événementiel créatif, des flyers annonçant un événement organisé par Balamii. Ci-contre : la DJ et productrice Shy One. Rinse FM et Kool FM (aujourd’hui Kool London) « re-nées » sur Internet, ont pris le relais de la diffusion. Ces équipes n’ont plus besoin de grimper sur les tours pour émettre et profitent plutôt de la liberté sur Internet de partager légitimement la vibe de l’underground avec à peine davantage qu’un ordinateur portable et un micro. Fille de l’ancienne légende de Kiss FM, Trevor Nelson, et filleule de l’icône de la radio pirate et musicien Jazzie B, Shy One, la DJ et productrice londonienne a un autre regard sur la scène radio underground de la ville. « Mes premiers souvenirs de la radio sont d’aller à Kiss FM alors qu’elle était encore pirate (la station a finalement obtenu une licence légale, à sa deuxième tentative, en décembre 1989,ndlr). Je me souviens avoir rendu visite à mon père en sachant que c’était là l’endroit d’où venait ce que j’écoutais à la maison. » Après avoir animé ses propres émissions sur les pirates à l’adolescence, Shy One (de son vrai nom Mali Larrington-Nelson) est maintenant une présence régulière sur plusieurs stations de radio en ligne. « Internet a changé la donne. Les jeunes y sont allés pour faire leurs propres trucs sans avoir à payer quelqu’un doté de l’équipement et des connaissances pour une station FM. Au lieu de cela, on peut tout trouver par soi-même et tout mettre en place beaucoup plus rapidement et pour beaucoup moins cher. » Ces stations en ligne se distinguent par leur mode de transmission et par leur production musicale. « Chaque fois que je suis en voiture et que je me branche sur un pirate, c’est un tout nouveau monde, explique Shy One. On y entend la «musique des grands» : reggae, groove rare, soul, écoutée par les générations précédentes. » De nouvelles stations en ligne font cependant jouer tous les genres musicaux pour tous les publics. Parmi cellesci, on retrouve de nombreux collectifs comme Touching 54 THE RED BULLETIN |