Que feriez-vous si vous gagniez une somme colossale ? Est-ce que vous aussi, comme Peter Tabichi, vous décideriez de reverser la totalité au profit de votre communauté ? Un geste altruiste qui résume bien la philosophie de ce professeur kenyan : c’est en effet à lui que vient d’être décerné le prestigieux prix de meilleur prof au monde de la Varkey Foundation, équivalent d’un prix Nobel pour l’enseignement, doté d’une récompense à hauteur d’un million de dollars. Cet enseignant de mathématiques et de physique au Kenya, à Naishi, comté de Nakuru, œuvre au sein de l’établissement secondaire Keriko pour encourager l’accès à la formation des jeunes filles, et développer le potentiel du « brillant avenir de l’Afrique » : ses élèves. Comment s’y prend-il ? Las d’attendre que les conditions soient favorables, il les a créées. Grâce à Un Franciscain qui a foi en l’éducation. lui, le nombre d’élèves dans son établissement rural a doublé en trois ans, et l’implication des filles dans les succès de l’école a très fortement augmenté. Les héros sont faits de cela : une volonté d’agir là où les responsables échouent, et sans lésiner sur les moyens ni les efforts à déployer. the red bulletin : Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir enseignant ? peter tabichi : J’ai grandi dans un village reculé du Kenya, au sein d’une famille d’enseignants. Mon père était instituteur, trois de mes oncles et quatre de mes cousins étaient profs. Petit, j’étais entouré de modèles à suivre. J’ai été le témoin de l’engagement de ma famille pour l’école et la communauté. J’ai compris très tôt que les enseignants, dont le rôle s’étend largement au-delà de la salle de classe, constituent les vrais trésors de notre société. Ils éclairent les jeunes esprits sur les meilleures voies à emprunter pour relever les défis de la vie. Enseigner est un métier noble, et c’est un honneur d’y consacrer ma vie. Quel est le plus gros défi que vous ayez eu à relever personnellement ? Ma mère est morte quand j’avais onze ans, laissant derrière elle mon père en charge de mes frères et sœurs et moi, en plus d’assumer ses responsabilités professionnelles. Son humilité, sa capacité de résilience et sa générosité m’ont sincèrement inspiré, car c’est tout cela qui nous a permis de surmonter le deuil et la douleur. Je retrouve les mêmes qualités chez mes collègues : ils se lèvent à l’aube, font la route à pied jusqu’à l’école sous une pluie ou une chaleur accablante ; restent après la fin des cours pour faire du soutien scolaire ; travaillent longtemps le soir pour corriger et noter les cahiers, et préparer la classe du lendemain. Avez-vous parfois l’impression de vous substituer aux politiciens de votre pays ? Disons que mes collègues et moi voulons aider nos jeunes à exploiter leur plein potentiel. C’est peu dire que l’investissement en temps que nous leur dédions tous en vaut la peine, nous autres enseignants, parents, communautés, gouvernements et garants de la loi. Les enfants ont besoin d’apprendre les standards académiques, mais aussi d’acquérir l’esprit d’équipe mais « Les enseignants constituent les vrais trésors de notre société. » 76 THE RED BULLETIN RII SCHROER/EYEVINE/PICTUREDESK.COM, TONY KARUMBA/AFP/PICTUREDESK.COM (2) |