TÉMOIGNAGE TERRE D’HOMMES # Sergent Arnaud « J’ai rarement été confronté à un feu d’une telle envergure » Propos recueillis par Kevin Savornin - Photos  : UIISC 7 Fin juillet, l’exceptionnelle canicule a entraîné l’embrasement de forêts du centre de la Suède. Des sapeurs sauveteurs de l’unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile n°7 ont été engagés sur l’un des principaux foyers du deuxième plus gros feu de l’histoire de la Suède. Le sergent Arnaud raconte. « Lorsque nous avons été engagés en Suède, nous revenions de trois semaines de déploiement en Corse dans le cadre de la lutte contre des feux de forêt. Le détachement français était composé de 30 sapeurs sauveteurs de l’UIISC 7 et de 30 sapeurspompiers provenant de différents départements de la zone Terre sud dont certains étaient spécialisés » feux tactiques ». Cette technique repose sur l’allumage de zones dites d’appui reconnues et préparées, pour supprimer la végétation en amont du feu. Notre mission était de contenir, sur un secteur ravagé par 4 foyers importants, la propagation du feu en direction de la commune d’Enskogen située à 400 km au nord de Stockholm. Avec 12 000 hectares brûlés, c’est le deuxième feu le plus important de toute l’histoire de la Suède. Après les premières reconnaissances sur le terrain à une quarantaine de minutes de la ville de Färila et des villages alentours, notre unité s’est engagée massivement sur le côté oriental de la zone embrasée. Nous devions nous positionner en hauteur dans les endroits inaccessibles aux camions afin d’assurer l’extinction du feu dans les lisières à l’aide de pompes. Au cours de mes 17 ans de carrière, que ce soit à La Réunion, au Chili ou en Nouvelle-Calédonie, j’ai rarement été confronté à un incendie d’une telle envergure. Car s’il était moins virulent que les incendies de la Corse ou du Var, il était plus difficile à traiter du fait de sa grande superficie et de la nature de la végétation composée principalement de résineux de très grande taille (épicéas et pins sylvestres) et d’une épaisse couche d’humus atteignant jusqu’à 50 cm de profondeur. Une simple brise pouvait propager les flammes sur de longues distances, or il est difficile, sous les arbres, de sentir quand le vent se lève. Il était donc capital de rester attentif pour ne pas se faire piéger. Au total, nous avons traité le sinistre sur 18 kilomètres en trente-six heures ce qui est considérable au regard de nos effectifs. Des pratiques différentes Face à ce type d’incendie l’usage du feu tactique est indispensable. Dans ce pays où l’industrie du bois représente un poids économique important, l’usage de cette méthode comme technique d’extinction ne se pratique pas, mais les autorités suédoises nous ont fait confiance. Ils ont plutôt l’habitude d’attendre le feu, là où nous préférons l’attaquer. Cette différence d’approche est due en grande partie à leurs conditions climatiques habituellement fraîches et contraires à celles de l’été 2018, exceptionnellement chaud. Moi-même, je n’aurais jamais pensé devoir un jour éteindre un feu dans une région aussi proche de la Laponie ! » n TIM 298 - Octobre 2018 # 49