« J’ai compris le sens des mots » fraternité d’armes ». » de mon peloton, mais un obus de 120 mm en décide autrement. Il s’abat à une trentaine de mètres de moi. Par chance, je ne reçois pas d’éclats, mais je suis violemment projeté au sol. » Sous l’effet de l’adrénaline, Le lieutenant Erwannse relève. Mécaniquement il marche vers le poste de sécurité et vérifie à la radio le personnel présent dans les postes de combat qui entourent la plate-forme désert relais de Kidal. Soudain, un violent mal de tête lui rappelle la puissance du choc qu’il vient de subir. « J’ai perdu connaissance quelques secondes. À mon réveil, mes bras et mes jambes ne répondaient plus. » « Les équipes médicales vous obligent à ne rien lâcher » L’attaque passée, la chaîne d’évacuation médicale se met en place. Après 24 heures de vol en hélicoptère et en avion, il est en France à l’hôpital d’instruction des Armées de Percy. « Je me posais plein de questions, se souvient le capitaine. Vais-je pouvoir remarcher ? Comment préparer ma mutation à l’EMIA ? Vais-je pouvoir rester militaire ? » À Percy, le jeune officier garde le moral. « Les médecins étaient confiants, j’allais retrouver l’usage de mes membres, mais sans savoir quand exactement. Ils m’ont seulement dit entre 48 heures et trois mois ! Dans ce combat quotidien, il n’est pas seul. Il y a d’abord les équipes médicales. Elles vous poussent constam ment, vous obligent à ne rien lâcher  : elles sont extraordinaires. » En plus de ses proches, les militaires se mobilisent. « J’ai compris le sens des mots ″fraternité d’armes″. Camarades de promotion, de prépa, officiers du 1er spahis et même trois anciens chefs de corps ! Pas un seul jour sans une visite. J’avais envie de me battre pour eux, pour la force qu’ils m’ont donnée. » Après plusieurs mois, Le lieutenant Erwannobtient le feu vert tant attendu. Il est autorisé à quitter l’hôpital. « J’allais enfin retrouver le régiment et mes camarades récemment rentrés du Mali. » Pour le pot de retour des troupes, le chef de corps, lui aussi blessé pendant le mandat, a souhaité faire une surprise aux soldats. « Le colonel m’a demandé de le suivre pour entrer dans la salle. Beaucoup ont été surpris de me voir. J’ai vu des regards bienveillants et joyeux. Les applaudissements ont envahi la salle. J’étais très ému. Je retrouvais enfin ma famille militaire. » Quelques jours après son retour à Valence, Le lieutenant Erwannest embarqué dans un hélicoptère Caïman pour une nouvelle mission  : représenter son régiment pour la journée nationale des blessés de l’armée de Terre. « Rendre hommage à mes camarades tués » Dans la soute, alors qu’un journaliste l’interviewe depuis les Invalides via une webcam, la patrouille de France se positionne de part et d’autre de l’aéronef. « C’était un moment fort. Il m’a permis de rendre hommage à mes deux camarades tués au Mali ainsi qu’à tous nos blessés. C’était un honneur de pouvoir les représenter. » Le rythme de la vie régimentaire rattrape vite le futur capitaine. Trois semaines plus tard le 1er RS défile sur les Champs- Élysées. Le lieutenant en est le porte-étendard. « Je craignais de ne pas être rétabli pour le 14 Juillet. Je me suis préparé pour atteindre l’objectif. C’est une belle revanche de descendre cette immense avenue juste derrière son chef de corps sous les applaudissements des Français. » Aujourd’hui Le lieutenant Erwannest devenu capitaine, il a quitté son régiment pour les écoles de St-Cyr-Coëtquidan. Le tout nouveau chef de section à l’école militaire interarmes ne s’apitoie pas sur son passé. « Mes élèves savent que j’ai été blessé sans plus. Je souhaitais leur expliquer pourquoi je ne ferai pas toutes les séances de sport au même rythme qu’eux. Pour le reste, je suis un soldat comme les autres, avec juste cette histoire en plus. Quand j’explique comment se poster ou se protéger, j’ai toute leur attention  : ils savent que je sais de quoi je parle. » n TIM 298 - Octobre 2018 # 47