22 QUATRE CENTRES D’ÉLITE POUR ÉLEVER LE NIVEAU L’Afrique, parent pauvre du tennis mondial, estce vraiment une surprise dans un sport qui a longtemps été l’apanage des élites ? Non, pas vraiment, les préoccupations des pays africains, la plupart en voie de développement, se tournent davantage vers des sports dits plus populaires, le football en tête d’affiche qui concentre toutes les attentions et attire à lui tous les investissements. En pleine Coupe d’Afrique des Nations, tous les cafés qui retransmettent les matches, d’Alger à Kinshasa en passant par Nairobi ou Brazzaville ont été pris d’assaut pendant le mois de compétition alors que personne ne se souciait, à part les Africains du Sud, d’un Open d’Australie où Anderson (éliminé en huitièmes de finale) était le seul représentant continental dans la tableau final, et également le seul joueur classé dans le top 100. Le tennis est reparti dans les années 50-60, avec la décolonisation, comme il était venu avec les colons quelques générations plus tôt…. sans jamais imprégner le cœur des sociétés africaines. « Dans le sillage des mouvements d’indépendance, il n’y a jamais eu de politique de soutien à notre sport, nous dit Tarak Chérif, le président tunisien de la CAT (Confédération Africaine de Tennis), pas de plans pour construire des terrains ou distribuer des raquettes. Depuis, on souffre d’un lourd déficit matériel. » Vu d’Europe, la situation pourrait paraître homogène ELLE A GAGNÉ ROLAND-GARROS JUNIORS EN 2011 Ons Jabeur, la Tunisienne qui monte Finaliste de Roland-Garros en 2010 (battue par l’Ukrainienne Svitolina), Ons Jabeur est devenue en 2011 la première africaine à inscrire son nom au palmarès d’un tournoi du Grand Chelem, fut-il juniors. Le 5 juin 2011, après avoir battu la Française Caroline Garcia en demi-finale, la Tunisienne de 18 ans est entrée dans l’histoire de son pays en s’imposant face à la Porto Ricaine Monica Puig. Il fallait remonter à 1956 pour trouver trace d’un joueur africain au palmarès d’un Grand Chelem, Mustapha Belkhodja remportant l’épreuve juniors à Paris. 55 ans d’attente pour une belle promesse qui demande toutefois confirmation. Classée 257ème fin janvier, Ons Jabeur a remporté le titre continental en 2012 (championne d’Afrique) et se positionne donc en espoir numéro 1 du tennis féminin sur un continent qui n’existe, dans le top 100, qu’à travers les Africaines du Sud. Avec un style de jeu offensif, et un mental résolument positif, cette fan de Roddick ne se fixe aucune limite. "Je rêve de gagner un jour Roland-Garros et me situer dans les 200 premières joueuses mondiales" déclarait-elle en 2010, alors qu’elle n’avait pas encore 16 ans et qu’elle était classée à la 600ème place. Un an après, elle gagnait Roland-Garros chez les juniors et se rapprochait de la 200ème place. "Ons est une joueuse un peu hors norme, nous dit le DTN du tennis tunisien, Luca Appino. Elle est agressive et a une bonne attitude sur le court. Sa victoire à Roland-Garros a créé un vrai engouement en Tunisie et désormais les jeunes rêvent de l’imiter." Le tennis féminin se serait-il trouvé une nouvelle ambassadrice ? "Elle, en tout cas, rêve d’être la meilleure joueuse africaine de tous les temps et de devenir numéro un mondiale, confirme le DTN qui est également son coach à mi-temps. C’est ambitieux, mais c’est clair et ça résume assez bien son état d’esprit résolument tourné vers son avenir et sa progression." Rendez-vous au printemps porte d’Auteuil si, d’ici là, en vertu d’accords passés entre les fédérations française et tunisienne, Ons Jabeur peut bénéficier d’une wild card. T.B. Tennis Revue n°3 - mars-avril-mai 2013 sur tout le continent car aucune tête hors Afrique du Sud ne dépasse dans les tableaux des principaux tournois ATP ou Challengers. En réalité, les pays du Maghreb commencent à s’éveiller dans le sillage des belles carrières effectuées, hier, par les Marocains El Anyaoui, Hicham Arazi ou Karim Alami, respectivement parvenus au 14 ème (en 2003), 22 ème (en 2001) et 25 ème (en 2000) rang mondial, aujourd’hui par le Tunisien Malek Jaziri (69 ème en juillet 2012), premier Tunisien à atteindre les demi-finales d’un tournoi ATP (à Moscou). « Oui, ça commence à bouger », se félicite prudemment le président de la CAT, tout en regrettant encore le déséquilibre de traitement et de reconnaissance avec le football. « Cette focalisation se fait au détriment des autres disciplines, le tennis en particulier. On s’attache depuis quelques années (2004, Ndlr) à essayer de rétablir l’équilibre en collaboration avec les fédérations nationales qui multiplient les clubs et les terrains, aidés en cela par la fédération internationale. » Le retard est tellement important dans des contrées où le tennis ne représente rien, n’a pas d’histoire, ni de culture, que le chemin sera très long avant d’espérer voir un jour un Africain remporter un tournoi du Grand Chelem après avoir été formé sur ses terres. « Nous mettons en place quatre centres d’élite pour regrouper les meilleurs éléments et tirer tous les jeunes vers le haut », se félicite Tarak Chérif. Après Pretoria et Johannesburg (Afrique du Sud), Dakar (Sénégal), pour les pays francophones d’Afrique de l’Ouest et du centre, c’est à Casablanca (Maroc) que se trouvera le centre super élite du continent, regroupant les meilleurs des trois autres sites « pour faire un maximum de tournois avant de partir en Europe, nous dit l’entrepreneur tunisien à ESPOIR N°1 DU TENNIS AFRICAIN Ndayishimiye, le prodige qui vient du Burundi A 17 ans, Hassan Ndayishimiye est aujourd’hui considéré comme un futur grand. Grandi au Burundi, c’est au Kenya qu’il a posé ses valises dès que son potentiel a été officiellement détecté et qu’une association humanitaire, Pact, l’a pris sous son aile pour l’aider à exploiter son don. Car Hassan a un don et un toucher de raquette exceptionnel. 134ème joueur mondial chez les juniors, il a disputé l’an dernier ses premiers tournois de Grand Chelem à Roland-Garros et à Wimbledon avec l’aide de l’ITF, la fédération internationale, qui lui paie ses voyages et lui octroie une bourse pour pouvoir s’entraîner et suivre une scolarité à peu près normale. Désormais installé en Afrique du Sud, au sein d’un des quatre centres de formation d’élite mis en place par la CAT le premier joueur de l’histoire du Burundi à avoir joué, et gagné un match sur le mythique complexe de Wimbledon, fan de Leyton Hewitt, se sait observé par toute une communauté qui attend de pouvoir s’identifier à une idole. "Je suis conscient de tout ça, déclarait-il en début d’année, et j’espère vraiment aider tous les jeunes de mon pays en leur montrant que c’est possible". Yes, they can… T.B. |