Les joueurs jouent-ils trop ? Le cas de Rafael Nadal est suffisamment criant pour être souligné. L’Espagnol est depuis trois ans perpétuellement contrarié par ses problèmes au genou. Son type de jeu mettant son physique à rude épreuve, notamment durant la longue campagne sur terre battue, en est une des causes. Son cas n’est néanmoins pas isolé. Celui de Del Potro en est un autre, symbolique. Après de longs mois passés en dehors du circuit, l’Argentin n’a pas encore retrouvé son niveau de 2010 (4ème). Les tennismen demandent-ils trop à leur corps ? « Les joueurs jouent beaucoup, confirme Di Pasquale. On est dans la course aux points, dans un engrenage dont il est difficile de se sortir. Si on compare à d’autres sports, le tennis est une activité bien spécifique dans son mode de fonctionnement. Il y a beaucoup de voyages, de décalages horaires, soit entre 25 et 32 semaines de sollicitations par an. C’est colossal. Pour avoir échangé avec d’autres sportifs pendant les Jeux Olympiques, ils sont très surpris de voir à quel point les joueurs de tennis bougent. Cela demande une concentration, une récupération très fortes. C’est une discipline très exigeante et compliquée à gérer. On est entré dans une dimension où le physique a quasiment pris le dessus sur tout le reste. A partir de là, il faut chercher à se préserver et faire de la prévention. En rajoutant les obligations actuelles, on a l’impression de subir, et ce n’est pas drôle tout le temps... ». Pour l’entraîneur de Richard Gasquet, Riccardo Piatti, c’est surtout une question d’aménagement et d’organisation personnelle : « Les instances peuvent changer le calendrier et apporter des modifications, mais le calendrier appartient Tennis Revue n°1 - novembre-décembre 2012 « ON NE LES OBLIGE PAS NON PLUS À DISPUTER 45 TOURNOIS PAR AN AVEC UN REVOLVER SUR LA TEMPE » surtout aux joueurs. Qu’il y ait un espace alloué entre Roland-Garros et Wimbledon pour récupérer me semblerait légitime dans la perspective de jouer à fond ces deux tournois du Grand Chelem. Ensuite, c’est aux joueurs de se montrer intelligents dans leur programmation et dans leur période de récupération. Si un joueur veut disputer trente tournois par an, il est logique qu’en fin de saison, il soit usé. Un joueur professionnel digne de ce nom doit alterner les semaines de récupération et d’entraînement pour se préparer au mieux aux tournois importants qu’il dispute. Federer et Murray doivent disputer vingt tournois à l’année. Ils ont donc environ trente semaines pour se mettre en condition. Par contre, un Nadal qui base beaucoup son jeu sur la terre battue en fonction de ses caractéristiques, il est clair que son physique en souffre ». Même son de cloche chez Jean-Paul Loth. En se montrant déraisonnable dans sa programmation, un joueur court à sa propre perte : « Les joueurs peuvent ne pas jouer de trop. On parle toujours des cycles infernaux. Mais ils sont en droit de choisir le nombre de tournois qu’ils peuvent faire. On les oblige à en disputer certains certes, mais on ne les oblige pas à jouer 45 semaines par an avec un revolver sur la tempe. Il y a un calendrier qui offre beaucoup de possibilités de jeu. Il y a un ou deux tournois par semaine. Quand un joueur se sent en confiance, en bonne forme, il peut enchaîner cinq, six, sept tournois de rang. Le corps médical sait que c’est une erreur capitale. Au bout d’un moment, vous avez besoin de récupérer. Les joueurs ne sont pas toujours raisonnables et jouent jusqu’à ce que cela craque. Le calendrier n’est donc pas forcément responsable de cet état de fait. Le tennis actuel est basé sur le physique, il faut se poser les bonnes questions. Nadal, depuis deux ou trois ans, a des soucis récurrents. Quand on joue ce type de tennis, il faut savoir se préserver un moment car on souffre au niveau des muscles, des tendons, des articulations. Bien plus que pour un tennis pratiqué par un Federer. A partir du moment où on base son tennis sur les qualités physiques, il faut savoir organiser son temps pour durer. Ce que fait Ferrer est un exploit. Je ne sais pas combien de temps il va durer. Les joueurs frappent de plus en plus fort, gardent la balle dans le court de plus en plus longtemps, sont obligés de courir de plus en plus vite. Il vaut mieux se garder un peu de temps, pour mieux rebondir, plutôt que d’enchaîner et perdre du temps ensuite car on est blessé ». Bref, pour durer, il faut savoir raison garder. n J-M.A. 23