60 S U R F T R I P …Big Island, le Retour aux Sources Les clefs du dernier paradis ? Il prit son temps pour m’expliquer comment Big Island reçoit le swell, en me conseillant tel ou tel spot selon l’orientation de la houle. Le gros problème de l’île vient de sa position en queue de peloton. Toutes les autres îles bloquent les houles de nord nord-ouest, et il faut que le swell vienne suffisamment de l’Ouest pour que les reefs de Kona se mettent à fonctionner. Waimea peut faire 25 pieds, si la houle ne vient pas dans la bonne direction, les reefs de Big Island peuvent rester complètement flat. Et évidemment, c’est ce qui s’est passé. Les high surf advisories se suivent et se ressemblent, aucun de ces trains de houle ne daigne venir de l’Ouest. La patience est toujours le nerf de la guerre dans ces cas-là, mais passer des semaines à attendre le bon swell à Hawaii, lorsqu’à une heure d’avion, ça envoie dans tous les sens… Restent les spots du North Kohala, seules options avec le windswell créé par l’alizé. On dit qu’une droite incroyable se cache dans une des multiples baies qui découpent cette portion de côte. L’accès est plutôt difficile, compte tenu des forêts à traverser et des falaises qui tombent à pic dans la mer. Premier repérage du côté de Waipo Valley, un beach break sur du sable noir apprécié des locaux. Vu du haut de la falaise, ça n’a franchement pas l’air terrible, la houle arrivant en vrac avant de casser en barre sans créer de pic précis. Pour aller plus loin, il faut prendre son sac à dos et ses basquets, le chemin monte à pic à travers une végétation dense. Comptez deux ou trois jours avant de rejoindre la route de l’autre côté, à Polulu Valley. On raconte que Gordon Clark, le parton de la fameuse fabrique de pain de mousse Clark foam, possède quelque part dans une de ces vallées une immense propriété. Avec évidemment juste en face de chez lui une jolie droite qu’il est un des rares à surfer, vu les difficultés d’accès. L’accès à partir de Polulu me semblant plus rapide, c’est de là que je me lance pour le trekking. Muni d’une seule planche et de quelques provisions, je prends le chemin des mystérieuses vallées. L’atmosphère des forêts de pins qui bordent la plage est extraordinaire de tranquillité, Robinson Crusoe aurait pu atterrir sur une plage du même style… Malheureusement pour moi l’aventure tourne court, au détour d’un, chemin, un pan complet de falaise s’est éboulé, emportant tout avec lui. Le chemin a disparu, laissant la place à une paroi abrupte... Le spectacle des arbres et les rochers tombé 100m plus bas me laisse perplexe quant à un possible passage. Pas de doute, le secret restera bien gardé, je n’étais pas près de voir la vague de Monsieur Clark ! Local vibe À force de cruiser à Honoli’i, je finis par faire la rencontre d’un des hot locals de Hilo, qui sort immédiatement du lot tant il fracasse les vagues avec violence : Solomon Ortiz, bien connu sur le le North Shore où il va régulièrement participer aux plus gros contests. Sous ses apparences de bad boy, le gars est plutôt cool et n’a rien contre le fait que je cruise avec lui et ses potes dès que le swell serait favorable pour la côte ouest... Sur la carte, ça paraît toujours simple, il y a pas mal de spot à checker tout au long de la côte et l’accès ne semble pas poser de gros problème. Dans la réalité, il faut parfois marcher une bonne vingtaine de minutes à travers un champ de lave pour accéder à la plage. Je comprends vite pourquoi les types partent surfer en basket : la lave est coupante comme du verre, et mieux vaut se protéger les pieds pour arriver à l’eau sans trop d’égratignure. Enfin ! Un swell d’ouest nord-ouest de dix pieds doit rentrer dans les jours qui suivent. Pas de quoi lancer l’Eddie, mais c’est la bonne orientation pour la côte ouest. Je prends les devants en me rendant directement à Kona, histoire de changer de décor. La ville en ellemême n’a pas grand intérêt, les résidences de vacances s’alignent à perte de vue sur des kilomètres aux pieds des pentes desséchées du volcan. Mais l’ambiance y est un peu plus festive qu’à Hilo. Ce soir-là les boys d’Iration font ronronner un reggae island style bien posé au Mixx Bar, et tout ce que le bled compte de Irie boys and girls est rassemblé là. Le lendemain matin, Banyans offre de bonnes rampes, les kids se gavent à coup de bon gros air reverse. En face, la gauche de Lyman’s commence elle aussi à se montrer. Les gros sets arrivent toutes les vingt minutes en balayant d’un coup tous les types du lineup ! Ça commence à chauffer ! Solomon et son crew sont en route. Il m’avait parlé d’un spot plus au Nord, une vague à l’abri des regards. Il faut que je le rappelle plus tard dans la matinée. Après m’être bien entaillé le pied en passant au travers d’une plaque de lave j’étais un peu calmé. Je suis pourtant en face d’une baie avec une méchante droite qui envoie des souffles sur une dalle presque à sec. Personne à l’eau. Je me suis sans doute trompé de plage, les gars ne m’auront certainement pas attendu pour aller à l’eau. Et comme aucun de leur téléphone ne répond, va falloir se débrouiller tout seul pour dénicher le fameux spot. Une dizaine de miles plus loin, je finis par emboîter le pas à un pick-up bardé de planches. Coup de bol, c’est un des potes de Solomon, il me fait signe de le suivre sur une piste bien défoncée. On se gare sous les arbres, et je ne vois pas tout de suite la droite qui jette de l’autre côté de la baie. Une partie des boys est déjà à l’eau, et mine de rien, la droite semble pousser pas mal. Solomon pose de temps en temps un air grabbé, à peine sorti du tube. C’est parti pour une petite session entre amis, dans la plus pure tradition hawaïenne. Les pick-ups garés au raz de l’eau, avec glacière et sandwich pour tout le monde, le reggae roots fait vibrer la tôle, pendant que les copines se font bronzer. Never ending story Le swell tombe rapidement et dès le lendemain, le surf redescend à hauteur d’épaule. Le vent se met de la partie et il faut trouver une plage un peu plus abritée. Décidément partageurs, les boys m’indiquent une brochette de spots à une bonne demi heure au Sud de Kona, des gauches qui peuvent fonctionner quelle que soit la force du vent. Une fois sur place, l’info était bonne, il y a largement de quoi se faire plaisir, pas trop de monde à l’eau… Et toujours cette même puissance. La vieille J.Carper que j’avais réparée ne tient pas le choc, je suis bon pour rentrer à Hilo dénicher une autre planche. Orchidland surfshop est devenu mon point de ralliement, Stan a tellement de planches en stock qu’il est facile d’y trouver son bonheur. Ce jour-là, la conversation dérive sur un de ses amis qui a quitté Big Island pour les îles perdues des Kiribati, à quelques deux mile cinq cent kilomètres de là. Ça fait maintenant 23 ans qu’il y était et ne comptait pas revenir au pays de sitôt, il avait même renoncé à la citoyenneté américaine. Il aurait découvert plusieurs spots incroyables dont une gauche parfaite, et aux dernières nouvelles il cherche encore des types pour aller surfer avec lui ! Stan me griffonne sonemail au cas où je voudrais essayer de le contacter. Sans vraiment espérer de réponse, je lui mets un mail dans la soirée. C’est Noël et je n’ai rien d’autre à faire. De retour du Sack’n Save, l’épicerie locale où je m’offre deux barres de chocolat et un paquet de cookies pour passer la soirée, j’ai la surprise de ma vie en checkant mes mails. Le type a répondu, il est à l’ancre au port d’Hilo, à Radio Bay, de passage pour réparer son vieux voilier. Son départ n’est pas prévu avant quelques semaines. Je suis le bienvenu à bord. Une autre aventure allait commencer… |