10 Insermle magazine #41 ÉPILEPSIES Des canaux aux effets excitants… Alors que l’épilepsie touche près de 1% de la population mondiale, un tiers des patients ne répondent pas aux traitements et ce taux reste fixe depuis plusieurs années déjà. Mais cela est peut-être sur le point de changer... « Attaquer par surprise », telle est la signification du mot « épilepsie », qui reflète bien la spontanéité d’apparition des crises répétitives spécifiques à cette maladie neurologique. L’épilepsie est ainsi principalement caractérisée par une excitation anormale d’un groupe de neurones. Afin de mieux comprendre comment sont générées les crises d’épilepsie, Nathalie Rouach, Elena Dossi et leurs collègues du Centre interdisciplinaire de recherche en biologie au Collège de France à Paris se sont intéressés à des protéines en particulier, les pannexines 1. Celles-ci forment des canaux qui, au niveau du cerveau, traversent aussi bien la membrane des neurones que celle des cellules gliales, leurs partenaires de choix dans le traitement de l’information cérébrale. « Des études sont actuellement en cours pour comprendre quelle est la contribution de ces canaux au niveau neuronal par rapport à celle au niveau des cellules gliales », précise Nathalie Rouach. Les pannexines 1 forment de larges pores qui, lorsqu’ils sont ouverts, permettent l’entrée et la sortie de nombreuses molécules qui peuvent agir localement sur le fonctionnement du système nerveux. De précédentes études ont suggéré que ces canaux étaient mis en jeu lors d’une inflammation, d’un accident vasculaire cérébral ischémique Elena Dossi actualités c’est fondamental ou encore d’une activité épileptiforme, ce qui en fait donc une piste d’étude intéressante. Les chercheurs ont mesuré l’activité électrique de tissus de cortex cérébraux qui ont été retirés lors de chirurgies chez des enfants ou des adultes épileptiques car ils étaient à l’origine de la maladie. Ces patients étaient soit pharmacorésistants, ne répondant donc pas aux traitements antiépileptiques, soit ils souffraient d’épilepsie lésionnelle, en rapport avec une lésion évolutive de type tumorale (gliomes). Résultats : les chercheurs ont observé par coloration que les canaux de pannexines 1 sont bel et bien activés dans les tissus épileptiques, mais surtout qu’ils s’ouvrent principalement en condition de crise. Mais « ces derniers ne sont pas uniquement impliqués dans le maintien A B Inserm/Emmanuel Eugène « Les canaux de pannexines 1 favorisent les crises » des crises, nuance Nathalie Rouach, nous avons découvert que ces canaux favorisent également leur mise en place. » Dans un modèle murin, les chercheurs ont ensuite injecté, au niveau de l’hippocampe3, du kaïnate, une substance neuroexcitatrice qui permet de mimer une épilepsie du lobe temporal du cerveau, forme la plus fréquente chez l’Homme. Pour comprendre quel est le rôle des canaux de pannexines 1, ils ont alors bloqué ces derniers avec du probénécide ou de la méfloquine, deux médicaments utilisés respectivement contre la maladie de la goutte et le paludisme, mais sans lien direct avec l’épilepsie. Verdict : que ce soit chez la souris « kaïnate » ou au niveau des tissus humains, ce blocage a entraîné une forte diminution des crises épileptiques. Le même effet a été constaté lorsqu’ils ont supprimé le gène qui code pour les pannexines 1 dans un autre modèle de souris. Ces canaux représenteraient donc une cible thérapeutique séduisante pour traiter les différentes formes d’épilepsie humaine, comme le confirme Nathalie Rouach : « Cette avancée est d’autant plus intéressante qu’elle concernerait non seulement les patients pharmacorésistants mais également ceux qui sont soignés avec les traitements actuels et qui pourraient subir des effets secondaires. » Sophie Dupuis 4Hippocampe. Structure du cerveau impliquée dans les processus de mémorisation et de navigation spatiale Nathalie Rouach, Elena Dossi : unité 1050 Inserm/CNRS – Collège de France, équipe Interactions neurogliales dans la physiopathologie cérébrale 2E. Dossi et al. Sci Trans Med., 30 mai 2018 ; doi : 10.1126/scitranslmed.aar3796 A) Image en immunofluorescence d’une tranche de cortex humain épileptique issue d’une chirurgie. En rouge, un astrocyte ; en vert, les neurones. B) Les canaux de pannexine 1 s’activent en conditions épileptiques et favorisent l’induction et le maintien des crises (en haut, en rouge) ; lorsque ils sont inhibés, les crises sont bloquées (en bas, en vert). k |