» > et câbler le réseau de plus de 2000 antennes du radiotélescope «Four Acre Array» (fig. 1). L’instrument est fixe, et le ciel passe devant les détecteurs : le signal est enregistré en continu sur un rouleau de papier qui défile (fig. 2) et qu’il faut remplacer au moins une fois par jour. Lorsque son œil acéré et expérimenté détecte une anomalie (fig. 3), que quiconque aurait confondue avec une interférence, les discussions avec son directeur de thèse, sceptique quant à la réalité du signal, concluent à la nécessité de faire défiler le papier plus rapidement, pour avoir plus de résolution temporelle. Mais cela implique de changer le rouleau toutes les heures ! Ou alors d’accélérer sa vitesse uniquement lors du passage de l’astre. C’est donc Jocelyn Bell qui, juste avant le passage de l’objet mystérieux, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, devait courir dans la cabane de contrôle pour accélérer la vitesse d’un facteur 10 ou plus. Parmi les points saillants de sa présentation, on relèvera celui-ci : les pulsars ont failli être découverts plusieurs fois, mais à chaque fois, et pour diverses raisons, le signal a été considéré comme défectueux, et il a fallu toute l’opiniâtreté de Jocelyn Bell pour que la réalité de ce signal soit confirmée. Par exemple, lors d’une journée « portes ouvertes » dans un observatoire, les astronomes montraient au public la 2. Jocelyn Bell en 1967, analysant les signaux sur des rouleaux de papier, de 5,3 km de long au total. Tout se faisait à l’œil, les ordinateurs n’étant pas encore répandus. 32 Reflets de la Physique n°64 -4 19 3. Enregistrement du signal radio ayant conduit à la découverte des premiers pulsars grâce à leur signal périodique. Dans un premier temps, on a cru à des signaux d’origine humaine, et les premiers pulsars ont été nommés LGM1, LGM2, etc. (LGM pour Little Green Men, petits hommes verts). Ici, le pulsar CP1919 (Cambridge Pulsar 1919, aujourd’hui appelé PSR B1919+21). nébuleuse du Crabe, qui est le résultat de l’explosion de la supernova observée par des astronomes chinois en 1054. Au centre de la nébuleuse, le résidu de l’étoile qui a explosé est une étoile à neutrons. On sait aujourd’hui qu’il s’agit d’un pulsar ayant une période de rotation de 33 millisecondes (ms). Une région lumineuse nous envoie donc un signal dans les longueurs d’onde visibles toutes les 33 ms. Une visiteuse dit alors à l’astronome guidant le public, que l’étoile au centre est variable, elle papillote et envoie des flashs. L’astronome lui explique de façon condescendante qu’il s’agit de la turbulence de l’atmosphère qui fait scintiller les étoiles. Mais la visiteuse lui répond sèchement : « je suis pilote d’avion, je connais la scintillation, monsieur : cette étoile est variable ! ». Il existe en effet des humains capables de détecter des variations de lumière à l’échelle de trois centièmes de seconde ! Lorsqu’il s’est agi de publier les résultats obtenus par Jocelyn, son directeur de thèse, Anthony Hewish, a signé le papier en premier auteur. Lors de la conférence de presse qui a suivi, les journalistes posaient des questions scientifiques à Hewish, mais demandaient à Jocelyn uniquement des détails sur sa vie privée ! Ceci a fortement choqué la jeune scientifique à l’époque, et est certainement à l’origine de toutes ses actions en faveur des femmes et de la science. Jocelyn Bell s’est beaucoup investie pour améliorer les conditions de carrière des femmes scientifiques. Elle a été présidente de «Women in Science» pour la Société Royale d’Edimbourg, et active pour l’association des femmes en STEM (Science, Technology, Engineering and Maths). Infatigable, elle est intervenue dans de nombreuses conférences à ce sujet, dont on peut voir des vidéos sur Internet [3]. En 2018, elle a aussi reçu le prix de trois millions de dollars du «Breakthrough Prize» en physique fondamentale, prix créé en 2012 par les fondateurs de Facebook et Google. Jocelyn Bella aussitôt décidé de consacrer cette somme au financement des travaux de thèse menés par des jeunes femmes et des membres de toutes les minorités, sans oublier les chercheurs réfugiés. Elle met ainsi sa générosité au service de la diversité en science, une valeur qui lui est très chère. Références 1 A. Hewish, S.J. Bell et al., Nature 217 (1968) 709-713. 2 I. Cognard, « Les pulsars radio : 50 ans de découvertes ! », Reflets de la physique 59 (2018) 26-31. 3 www.youtube.com/watch ? v=jp7amRdr30Y |