O a Force d’origine capillaire des ponts liquides Assimilons dans un premier temps les grains de sable à des billes sphériques de rayon r g. Lorsque l’on dépose un peu de liquide entre deux billes, il se crée un petit pont liquide (« pont capillaire ») , qui persistera tant que sa longueur l ne dépasse pas la longueur de rupture (fig. E1). Pour des grains hydrophiles, l’interface entre le liquide et l’air présente une courbure dominante tournée vers l’extérieur. Cette courbure engendre une pression de Laplace (différence de pression entre l’air et le liquide) négative, proportionnelle à la tension de surface γ entre le liquide et l’air. La pression de Laplace vient donc réduire celle du liquide par rapport à la pression atmosphérique. Cette différence de pression engendre une force d’attraction entre les deux grains de sable, qui s’ajoute à la force de traction sur la ligne triple (grain/air/liquide), et les garde collés ensemble. L’amplitude de la force de cohésion résultante, due à la capillarité, s’écrit au premier ordre : F cap = 2 γ r g cosθ, où γ est de l’ordre de 70 mN/m pour l’eau, et θ est l’angle de mouillage du liquide sur le grain [4]. Pour des grains de sable de rayon r g = 250 µm, la présence de liquide engendre une force adhésive d’amplitude de l’ordre de 100 µN. Le poids du grain, quant à lui, a une valeur de l’ordre du µN. Ainsi, la force capillaire est une centaine de fois plus grande que la force de pesanteur, et c’est donc bien l’ajout d’une petite quantité d’eau qui permet à un château de sable de ne pas s’effondrer ! 0 0 0 0 0 0 0 0 0 00 Cb00 y)00 Cb00 C ? ? 0 yD0c) Quand on parle de grains de sable humides, on pense souvent aux châteaux de sable que l’on peut réaliser étant enfant sur le bord de la plage [2]. Ces exemples de structure démontrent les effets spectaculaires de la cohésion capillaire induite par le liquide, comme illustré sur la figure 1 (p. 17). L’apport d’une faible quantité de liquide est suffisant pour changer profondément les propriétés mécaniques du matériau granulaire [3]. Ce comportement cohésif résulte de la formation de ponts liquides entre les grains (voir encadré 1). Si les interactions capillaires sont faciles à décrire à l’échelle de deux grains, leur prise en compte dans un tas de grains est plus délicate. En effet, la répartition spatiale hétérogène du liquide modifie localement les propriétés mécaniques du matériau granulaire humide [5]. À l’échelle des grains, plusieurs états ont été historiquement définis (il y a un siècle, en 1917, par Versluys), en référence à la configuration géométrique que le liquide adopte en fonction de la fraction liquide W, c’est-àsec pendulaire funiculaire capillaire suspension 111.1 « Me O b D c 18 Reflets de la Physique n°64 r g l θ 0% 2% 36% 40% Encadré 1 E1. Schéma d’un pont capillaire dans l’état pendulaire entre deux grains. 2. Les différents états d’un matériau granulaire humide statique. (a) Représentation schématique de la répartition du liquide au sein d’un matériau granulaire humide en fonction de la fraction liquide W. (b-c) Exemples de reconstruction de matériaux granulaires humides (billes de verre de 400 µm de diamètre) obtenue par microtomographie par rayonsX, à faible fraction liquide au début du régime funiculaire (b), puis à plus grande fraction liquide dans le régime capillaire (c). Les billes sont en blanc, le liquide en bleu. W » > matières premières sous forme de grains, faisant des matériaux granulaires le second type de matériau le plus utilisé dans l’industrie après l’eau. Les principaux domaines d’activités concernés sont l’extraction minière, le génie civil, l’agro-alimentaire, les industries chimique et pharmaceutique, ainsi que l’industrie verrière, qui utilisent des matières premières ou finales granulaires [1]. Comment peut-on décrire les interactions entre des grains secs et des grains déjà humides pour mieux comprendre les mélanges entre des grains et de l’eau ? Afin de montrer les récentes avancées dans ce domaine, nous allons commencer par rappeler des éléments de la physique des milieux granulaires humides statiques, notamment les forces de cohésion entre grains. Nous pourrons alors ensuite discuter des deux cas limites : l’érosion d’un agrégat humide où des grains secs en écoulement peuvent arracher des grains collés à l’agrégat par des ponts capillaires. Puis nous illustrerons l’autre extrême où des grains secs peuvent adhérer à un agrégat humide et faire croitre sa taille. Ces deux situations illustrent la complexité de la physique des granulaires humides. Matériaux granulaires humides et forces capillaires |