L’énergie sismique libérée par une source naturelle ou artificielle est habituellement utilisée pour éclairer la structure interne de la Terre. Aujourd’hui, de nouvelles méthodes permettent de se passer de ces sources conventionnelles via l'utilisation du bruit sismique ambiant qui, après corrélation de longs enregistrements, transforme virtuellement chaque récepteur en source. Cette méthode d’imagerie du sous-sol est également répétable dans le temps, donnant ainsi accès à une multitude d’applications pour la surveillance des structures géologiques. Cet article présente le principe de l’interférométrie sismique par corrélation du bruit ambiant à travers différents exemples, de l’échelle du laboratoire à l’échelle globale. 12 Reflets de la Physique n°64 Imagerie sismique par corrélation de bruit ambiant : du laboratoire à l’échelle globale Pierre Boué (pierre.boue@univ-grenoble-alpes) et Anne Paul (anne.paul@univ-grenoble-alpes) Institut des Sciences de la Terre (Univ. Grenoble Alpes, Univ. Savoie Mont Blanc, CNRS, IRD, IFSTTAR), 1381 rue de la Piscine, BP 53, 38041 Grenoble Cedex Introduction à l’imagerie sismique L’analyse des enregistrements du mouvement du sol à la suite d’un séisme ou du déclenchement d’une source artificielle est à l’origine d’une grande partie de nos connaissances sur la structure interne de la Terre. À l’échelle globale, les séismes de magnitude supérieure à 5,5 sont utilisés pour déterminer les grandes structures de notre planète – croute, manteau et noyau – et leurs hétérogénéités. L’emploi de sources déclenchées par l’homme (explosion, camion vibreur, chute d’une masse...) permet d’étudier les structures les plus superficielles présentant des enjeux économiques et sociétaux autour, par exemple, des réservoirs d’hydrocarbures et géothermiques, des gisements miniers, de la caractérisation géotechnique du proche sous-sol. Dans un article récent [1], B. Romanowicz a discuté les grands principes et les enjeux de l’utilisation des ondes sismiques pour l’imagerie ou la modélisation de la Terre profonde. L’imagerie sismique est principalement basée sur l’analyse des temps de parcours entre deux positions, ainsi que sur l’amplitude des ondes sismiques : mesure absolue entre source et récepteur, ou mesure relative entre deux récepteurs. Selon les objectifs de l’étude et les paramètres de la source, différents types d’ondes et bandes de fréquence sont utilisés. Dans le domaine pétrolier par exemple, l’imagerie des réservoirs d’hydrocarbures est très majoritairement basée sur l’analyse des ondes P (ondes de compression) entre 10 et 1000 Hz. Pour la Terre profonde, les ondes P et S (cisaillement) sont employées conjointement et à plus basse fréquence (environ 0,1 à 10 Hz). Les propriétés de dispersion (vitesse dépendant de la fréquence) des ondes de surface (Rayleigh, Love) sont très largement utilisées pour imager les structures de la croute terrestre et du manteau supérieur dans la bande de fréquence entre 0,01 et 1 Hz. Enfin, à encore plus basse fréquence, les modes propres de la Terre permettent aussi de contraindre les grandes échelles jusqu’au noyau interne. Fonction de Green et corrélation Un signal sismique issu d’une source quelconque et enregistré par un récepteur distant, porte à la fois l’information relative à la source (énergie, durée, directivité, etc.) et celle sur le trajet parcouru par les ondes entre source et récepteur. Au premier ordre, seule l’information portant sur le trajet est utile pour imager la structure ; il est donc nécessaire de s’affranchir au maximum de l’information liée à la source. On appelle fonction de Green la fonction de transfert élastodynamique du milieu de propagation. C’est la réponse de la structure à une sollicitation ponctuelle en temps et en espace, qui décrit entièrement et de manière unique la propagation des ondes élastiques entre source et récepteur (fig. 1a). Plusieurs stratégies existent pour estimer la fonction de Green à partir de signaux sismiques, la plus rapide étant simplement de considérer la |