Des objets de musée aux modèles numériques a d 0 48 Reflets de la Physique n°63 1 cm 1 cm 1 cm b 1 cm Couronne Couronne Pavillon Pavillon Couronne Couronne Pavillon Pavillon Couronne Couronne Couronne Couronne Pavillon Pavillon Pavillon Pavillon 0 Encadré 1 Table Table Colette Colette Table c Table Colette Colette Les figures ci-dessus montrent la reconstitution numérique des facettes du diamant bleu et sa comparaison avec le diamant Hope. (a) Le moulage en plombdu diamant bleu retrouvé au Muséum national d’Histoire naturelle en 2008 et le diamant Hope desserti et posé sur un carton blanc satiné et tramé. Notez comment le papier blanc se distingue parfaitement au centre du diamant Hope, là ou il est le plus épais (12,9 mm), alors qu’en périphérie la gemme apparait opaque, son épaisseur se réduisant à 2 mm. (b) Le scan du moulage permet de repérer dans l’espace la disposition des facettes polygonales réfléchissant les pinceaux lumineux. (c) Ces polygones ont ensuite été regroupés via des algorithmes de décimation pour reconstituer les facettes effectives de la gemme, que ce soit pour le dessus (couronne*) ou le dessous (pavillon*). (d) Ce modèle (lignes noires) est comparé à celui obtenu sur le Hope (lignes bleues), de manière à observer la correspondance entre les deux gemmes sous trois angles de vue différents. (Images et dessins de l’auteur) » > Le diamant bleu est la « pièce de résistance » de cet insigne : unique de par son poids jamais égalé depuis, 69 carats* soit 13 grammes environ. Après sa disparition en 1792, les enquêtes de police d’alors démontrent que le joyau fut cassé et emporté par un certain Cadet Guillot Lordonné, un jeune escroc qui s’enfuit vers Londres où il sera finalement emprisonné [1]. Mais l’insigne disparait à tout jamais. Aucune gravure ni peinture fiable de ce joyau ne semble connue : la France oubliera rapidement son chef d’œuvre, jusqu’en 2006-2007, où diverses découvertes vont précipiter sa « renaissance ». En 2006, une gravure inconnue de la Toison d’or, réalisée par Jacqmin, apparait à Genève (fig. 1), alors que je retrouvais au Muséum national d’Histoire naturelle l’unique moulage* connu du grand diamant bleu volé en 1792 [2] (encadré 1). Une enquête scientifique qui en amène d’autres La première enquête a consisté à départager les deux adversaires se réclamant être l’avatar du diamant bleu français. D’un côté, le clan russe qui, à travers le diamant Terestchenko de 42,92 carats, revendique la prestigieuse paternité de par sa forme ovoïde. De l’autre, le clan américain avec le diamant Hope* de 45,52 carats, conservé à la Smithsonian Institution (Washington, USA) où il est – les Français l’ignorent – l’objet le plus visité au monde avec la Joconde du Louvre. Un scan laser de la surface du moulage en plomba été réalisé pour obtenir un maillage* 3D de milliers de polygones décrivant cette surface. Des méthodes numériques comme la décimation* par effondrements d’arêtes ont permis de restituer le facettage d’origine de la gemme*. Ce résultat, comparé à celui obtenu pour les deux avatars actuels en compétition, est clair : le Terestchenko est trop allongé et pas assez large. Le diamant américain gagne haut la main (encadré 1). Les voleurs de 1792 ont donc sauvagement raboté les coins du diamant triangulaire français pour lui donner la forme ovoïde actuelle du Hope. La couleur Ensuite, se posa la question de la couleur de cette gemme mythique. La confusion règne : décrit comme « violet » dans les inventaires royaux de 1691, d’un bleu de saphir en 1787 puis bleu roi en 1813. L’étude débuta sur son avatar actuel formellement identifié, le diamant Hope, démonté de son collier. Un aspect optique – jamais noté ni interprété auparavant – fut révélateur : au centre de la gemme, où elle est la plus épaisse, l’objet se comporte comme un prisme à faces parallèles peu coloré, délimité par sa table* et sa colette* (voir l’explication dans l’encadré 2, p.49). En revanche, en périphérie, le diamant apparait bleu foncé alors qu’il est bien moins épais. Pour comprendre cette curieuse anomalie, une étude d’absorption optique a été entreprise sur cette gemme. L’ordinateur, décodeur du génie créateur du lapidaire de Louis XIV De lourds calculs ab initio de la couleur du Hope ont été entrepris pour élucider son anomalie (fig. 2). La fonction diélectrique théorique d’un diamant a été calculée en considérant un dopage au bore, présent à l’état de traces dans la structure atomique carbonée de ce minéral* et à l’origine de sa couleur bleue [3]. Nous avons ensuite résolu l’équation de Bethe -Salpeter* [4] qui permet de quantifier l’interaction entre la lumière et ce minéral pour en déterminer son spectre d’absorption entre les ultraviolets et l’infrarouge proche (400-900 nm). Ces travaux nous ont permis de reproduire et de comprendre l’anomalie de couleur de ce diamant. En fait, le diamant Hope n’est pas bleu foncé mais bleu pâle ! Le calcul a pu montrer que son facettage particulier amplifie la couleur pâle du |