» > constitue la « révolution culturelle » des dateurs : nous devons repenser les choses en termes de grains individuels et de distributions statistiques et non plus en termes de grandeurs macroscopiques moyennes. Ainsi, il faut plusieurs milliers de grains et donc plusieurs milliers d’analyses pour produire une datation et disposer d’un échantillonnage suffisant, qui permette de séparer les données des grains qui ont été bien éclairés de ceux qui le furent insuffisamment lors du processus de transport ou d’éclairement que nous cherchons à dater. Nous appliquons ainsi ce type d’analyse à la datation des mortiers de construction en vue d’établir la date de l’édification de structures architecturales [3, 4]. Les mortiers résultent en effet d’un mélange de sable et de chaux, et c’est le moment où les anciens bâtisseurs ont fabriqué le mortier qui nous intéresse, car il témoigne directement de la construction. Ce que l’on étudie, ce sont les grains de quartz. On montre qu’au cours du processus de mélange chaux/sable, les grains sont exposés à la lumière de façon très hétérogène : seule la surface du mélange est exposée, et ce n’est que lorsque les grains y parviennent au cours de leur brassage qu’ils sont éclairés durant un bref instant avant de replonger dans les zones sombres. L’exposition se distribue parmi les grains selon une exponentielle décroissante (les places au soleil sont chères !) , et c’est ce que l’on observe au final avec les mesures de dose [5]. 12 Reflets de la Physique n°63 Fréquence 12 8 4 i i a Expérience OSL 0 1 Y. P 1 fl -I 0,0 8,0 16,0 24,0 32,0 Dose (Gy) Aujourd’hui, on construit les outils statistiques pour modéliser les distributions observées (fig. 4) et des programmes prototypes pour traiter les données : nous sommes encore loin de la routine... Modéliser la distribution de radioactivité à l’échelle microdosimétrique L’évaluation des débits de dose induits par les différentes particules émises par la radioactivité naturelle reste, aujourd’hui encore, problématique à l’échelle des grains. Même si une mesure directe de l’effet des photons gamma interagissant dans la matière peut être facilement réalisée en déterminant la dose qu’ils y déposent à l’aide de dosimètres d’irradiation ou de sondes gamma, il en va tout autrement pour les particules alpha et bêta en raison de leurs faibles parcours (quelques dizaines de micromètres pour les alphas, et moins de 3 mm pour les bêtas). Aussi, une stratégie fondée sur l’utilisation de la modélisation et de la simulation numérique a-t-elle été développée. Pour cela, il est nécessaire d’accéder à la caractérisation précise du sédiment : il faut ainsi identifier les espèces minérales présentes, leurs dimensions, leur répartition spatiale, leur composition élémentaire et leur radioactivité. La figure 5 montre l’image d’un bloc de sédiments d’environ 30 mm d’épaisseur Échantillon de mortier BDX 15544 Simulation Monte-Carlo 4. Datation de l’amphithéâtre Palais-Gallien, à Bordeaux (fin du 1er ou 2 e siècle apr. J.-C.). À gauche : photo de l’amphithéâtre (cliché P.Guibert, IRAMAT-CRP2A). À droite : histogramme des doses archéologiques individuelles de grains de quartz issus des mortiers de fondation (en gris foncé) et comparaison avec la simulation Monte-Carlo la plus approchante (en gris clair). Il s’agit d’un ensemble de grains ayant été assez faiblement exposés à la lumière durant la fabrication du mortier (moins de 10 secondes à la lumière solaire en moyenne). On distingue le groupe des grains les mieux exposés qui présentent des doses inférieures à 8 Gy, tandis que de nombreux autres grains montrent une forte dose résiduelle d’origine géologique (radioactivité naturelle). dont on distingue 14 couches selon la texture, la distribution granulométrique des grains minéraux et leur répartition. À l’aide du logiciel DOSI-VOX [6] développé dans notre laboratoire, ce bloc a été modélisé (partie centrale de la figure 5) : les grains constituant les sédiments sont représentés par de petites sphères en assurant un niveau de compacité équivalent à celui observé sur les images. Les éléments majeurs, tout comme les radioéléments, ont été affectés à ces sphères en respectant leurs concentrations moyennes, de manière à modéliser les différentes phases minérales présentes dans chacune des couches (grains de quartz, de feldspaths, calcite, argiles). Après cette étape de modélisation, une simulation numérique de type Monte- Carlo a été lancée : les particules primaires ont été générées en fonction de la concentration de chaque radioélément (U, Th et K) et des taux de désintégration caractérisant chaque famille radioactive. La partie droite de la figure montre ainsi le trajet des particules émises dans le modèle (traits rouges et verts), et les points d’interaction des particules primaires et secondaires avec la matière (points jaunes), points où la dose est réellement déposée. En simulant des millions de particules primaires, il est ainsi possible d’obtenir une représentation 3D de la distribution de la dose pour les deux types de particules, alpha et bêta, dont la dosimétrie directe est toujours difficile. |