» > leur localisation dans leur environnement. Pour ce qui concerne les méthodes paléodosimétriques, ce qui importe c’est l’énergie émise sous la forme de particules alpha (noyaux d’hélium), bêta (électrons) ou gamma (photons de haute énergie) au cours de la désintégration des radioéléments naturels. Les acteurs principaux sont l’isotope 40 du potassium (40 K), l’uranium (235 U et 238 U et leurs descendants jusqu’aux isotopes stables du plomb, 207 Pb et 206 Pb) et le thorium (232 Th et ses descendants jusqu’à 208 Pb). Ces radioéléments sont présents en quantité variable mais significative dans tous les matériaux et participent ainsi à l’irradiation naturelle. À cette radioactivité issue d’éléments de très longue période (de 700 millions d’années pour 235 U jusqu’à 14 milliards d’années pour 232 Th) s’ajoute celle du rayonnement cosmique qui, au niveau du sol, se trouve essentiellement composé de muons. L’interaction d’une particule de quelques centaines de keV (kiloélectronvolts) avec la matière provoque des ionisations par transfert de son énergie à un électron, qui va se comporter lui-même comme une particule secondaire de moindre énergie. Il résulte de cette interaction en cascade un transfert de nombreux électrons (en nombre proportionnel à l’énergie absorbée) depuis la bande de valence vers la bande de conduction (fig. 1b). Autrement dit, des paires électron-trou apparaissent par irradiation. Un trou électronique est une absence d’électron dans la bande de valence ; il se comporte comme un électron chargé positivement. La grande majorité de ces paires se recombine. Cependant, une petite proportion va être piégée et stabilisée par le système de défauts du cristal, les électrons au niveau de pièges à électrons (comme une lacune d’oxygène, chargée positivement), et les trous au niveau de pièges à trous (un centre aluminium par exemple, chargé négativement) (fig. 1c). L’effet de capture est cumulatif, et le nombre de charges délocalisées puis piégées durablement par l’irradiation est proportionnel à sa durée et à son débit, ce qui permet de dater. À température ambiante, certains porteurs de charge peuvent rester des millions d’années dans cet état métastable, et c’est justement ceux-là qui sont pertinents pour la datation. Au fur et à mesure de l’irradiation naturelle, des pièges vont se 10 Reflets de la Physique n°63 peupler progressivement. Une stimulation thermique (chauffage) ou optique (éclairement par de la lumière visible) permettra de libérer tout ou partie des électrons et trous piégés (fig. 1d). Des recombinaisons électron-trou vont donc se produire, accompagnées d’une émission de lumière, dont le spectre est lié au système de défauts et impuretés impliqué dans le processus (fig. 1e). Le chauffage et l’éclairement des minéraux sont à l’origine des deux types de mesures et des deux types d’évènements principaux que l’on cherche à dater. Cela correspond à la « remise à zéro » du chronomètre. On peut ainsi avoir accès à l’âge de la dernière chauffe qui peut correspondre à la fabrication d’une céramique, au fonctionnement d’un foyer, à la chauffe d’un fragment de roche, à l’incendie d’un bâtiment. On peut aussi dater la fin de l’exposition des matériaux à la lumière : recouvrement des dépôts sédimentaires, dépôt de lœss (sédiments éoliens), sables dunaires, mise en place des matériaux de construction dans un bâtiment et, depuis peu, la fabrication des mortiers de construction. La mesure d’âge, qui est une mesure de la durée d’exposition à la radioactivité naturelle depuis l’instant zéro à dater, revient à déterminer deux grandeurs : la dose archéologique, ou quantité d’énergie (ramenée à l’unité de masse de matière) accumulée depuis l’instant zéro à dater, via un dépiégeage des charges par une stimulation thermique (TL) ou optique dans le visible ou le proche infrarouge (OSL). L’unité de dose dans le système SI est le gray, 1 Gy = 1 J.kg -1 ; la dose annuelle d’irradiation ou quantité annuelle d’énergie absorbée par le matériau qui a servi à la mesure de luminescence (Gy/année). L’âge est obtenu par le rapport de la dose archéologique à la dose annuelle. Les mesures de dose archéologique par luminescence sont réalisées grâce à des équipements suffisamment sensibles, sur des phases minérales sélectionnées au préalable selon leur granulométrie et leur nature par extraction et traitements physico-chimiques, dans des conditions expérimentales évitant tout réchauffement ou éclairement parasite (fig. 2, p.9). Le principe de la mesure consiste à comparer l’intensité lumineuse émise par le matériau à dater avec celles générées dans le même matériau par une source d’irradiation artificielle, de débit connu, intégrée à l’équipement. Ceci assure en quelques minutes l’équivalent de l’irradiation naturelle de plusieurs millénaires. La dose annuelle, quant à elle, est en général déterminée à partir de mesures de la composition radiochimique de l’échantillon, de celle de matériaux composant l’environnement de l’objet daté ainsi qu’à partir de mesures directes de dosimétrie environnementale effectuées sur site. Radioactivité naturelle et modèle d’irradiation standard Plusieurs types de particules participent à l’irradiation naturelle des échantillons. Cela implique que le système radioactif associé à l’échantillon daté soit bien défini, car la portée des particules est très variable selon leur nature et leur énergie. On distingue les irradiations alpha, bêta, gamma, et celle par les muons cosmiques, dont les portées sont respectivement de l’ordre de 20 µm, 3 mm, plusieurs dizaines de centimètres et plusieurs dizaines de mètres dans les roches. Ainsi principalement, les particules alpha proviennent des grains analysés et de leur environnement immédiat ; les particules bêta proviennent de l’objet étudié (de dimensions pluricentimétriques) ; les rayons gamma proviennent de l’objet et de son environnement. La contribution du rayonnement cosmique dépend de la situation géographique, de la profondeur d’enfouissement et de l’effet d’écran du relief proche ou des structures architecturales en élévation. Au départ, l’irradiation des objets est supposée de débit constant dans le temps, ce qui justifie que la mesure effectuée aujourd’hui reste transposable aux temps archéologiques. Cependant, les modifications de l’environnement (déplacement des objets, modifications architecturales... et pollutions nucléaires artificielles) et les processus géochimiques altérant les matériaux porteurs des radioéléments peuvent être à l’origine de variations du débit de dose. En première approximation, l’irradiation est issue d’un milieu supposé homogène et isotrope à toutes les échelles. Cependant la simplicité de ce modèle n’a pas résisté très longtemps à la réalité de |