Détermination expérimentale de la constante de BoltzmannLa détermination expérimentale de k avec l’incertitude requise pour que la redéfinition n’altère pas notablement l’exactitude de la connaissance de la température, soit typiquement de l’ordre de 0,273 mK ou 10 -6 en valeur relative, n’est pas chose aisée. Des chercheurs du monde entier se sont attelés à cette tâche durant les dix dernières années en exploitant des lois de la physique dans lesquelles intervient soit le produit kT, soit le produit RT où R = kN A est la constante molaire des gaz (constante des gaz parfaits) et N A la constante d’Avogadro. Il est à noter que l’incertitude relative sur N A en 2017 étant de 1,2 × 10 -8, elle était négligeable devant celle de k ; les précisions sur les déterminations expérimentales de k et R sont donc essentiellement équivalentes. La thermométrie des gaz parfaits, basée sur l’équation d’état pV = nRT où n est la concentration molaire en gaz par unité de volume, ne pouvait convenir pour cette mesure : en effet, il est impossible de mesurer n et le volume V au niveau d’exactitude requis. Il en était de même pour la loi d’Einstein sur le mouvement brownien et pour la loi de Curie décrivant l’aimantation d’un échantillon. La loi de Planck pour le rayonnement de corps noir ne pouvait pas non plus être utilisée pour mesurer k au niveau d’exactitude requis à la température du point triple de l’eau ; cette méthode, qui repose sur des mesures radiométriques absolues de la densité spectrale de luminance d’un corps noir, est bien mieux adaptée au domaine spectral visible et donc aux très hautes températures (au-delà de 1000 °C). Plusieurs autres lois pouvaient être utilisées pour déterminer la valeur de k, telles que celles qui associent la température à la vitesse du son et à la masse molaire (thermométrie acoustique à gaz), à la constante diélectrique ou à l’indice de réfraction (thermométrie à gaz par mesure de la constante diélectrique), à la puissance de bruit électrique dans une largeur de bande donnée (thermométrie à bruit de Johnson) ou à la largeur spectrale d’une résonance d’absorption optique (thermométrie par mesure de l’élargissement Doppler). Notons que seules les trois premières méthodes étaient assez précises pour contribuer à la valeur qui a été fixée pour k [3]. 30 Reflets de la Physique n°62 Laurent Pitre 2. Résonateur sphérique utilisé par l’équipe du LNE-Cnam pour mesurer la constante de Boltzmannk par thermométrie acoustique. Le résonateur, dont le volume intérieur est de quelques litres, est rempli de gaz rare (hélium ou argon) et placé dans un cryostat. On mesure les fréquences acoustiques de ses modes d’oscillation radiale. La mesure de k par thermométrie acoustique La mesure de la constante de Boltzmannpar voie acoustique, réalisée par notre équipe au LNE-Cnam, est basée sur le fait que la vitesse de propagation du son dans un gaz de composition connue (généralement un gaz rare tel que l’hélium ou l’argon) est fonction de la température et de la pression : c’est le principe de la thermométrie acoustique des gaz. Atteindre la meilleure précision sur la mesure nécessite de prendre en compte les écarts par rapport au comportement du gaz idéal. Pour les gaz monoatomiques, où les capacités thermiques spécifiques à volume et pression constants sont indépendantes de la température, la vitesse acoustiqueu, extrapolée à pression nulle, est liée à la température thermodynamique T de manière simple : u 2 = (5/3) RT/M, où M est la masse molaire du gaz. En pratique, la vitesse u est déduite des fréquences de résonance acoustiques du gaz dans un résonateur quasi sphérique dont le volume est de quelques litres. La figure 2 montre la photo d’un tel résonateur utilisé dans notre laboratoire, avant sa mise en place dans un cryostat. On mesure ces fréquences acoustiques pour des modes d’oscillation radiale, sous différentes pressions et à une température donnée. Les dimensions internes du résonateur sont mesurées par interférométrie optique, ce qui permet de relier les fréquences à la vitesseu. Cette vitesse est extrapolée à pression nulle ; on en déduit le produit RT et donc la constante de Boltzmannconnaissant la température, la masse molaire du gaz, ainsi que la constante d’Avogadro. Toutes ces données sont suffisamment précises pour obtenir une incertitude globale sur k correspondant à l’objectif assigné, c’est-à-dire inférieure à 10 -6 en valeur relative. |