Mesurer une masse grâce à l’impulsion d’un photon Pierre Cladé (pierre.clade@lkb.upmc.fr) et Saïda Guellati-Khélifa (saida.guellati@lkb.upmc.fr) Laboratoire Kastler Brossel (Sorbonne Université, CNRS, ENS-Université PSL, Collège de France), 4 place Jussieu, 75005 Paris La mesure par effet Doppler du recul d’un atome par absorption d’un photon permet de mesurer la masse de cet atome avec une très haute précision ( 10 -10). Le lien entre masse macroscopique et masse atomique est obtenu par comptage du nombre d’atomes d’une sphère monocristalline de silicium. 22 Reflets de la Physique n°62 La physique quantique pour mesurer les masses La 26 e Conférence générale des poids et mesures a décidé de définir l’unité de masse en fixant la valeur de la constante de Planckh. Cette définition fait donc reposer la réalisation de toutes les unités qui dépendent du kilogramme sur des phénomènes quantiques. C’est le cas, par exemple, des grandeurs électriques dont les mesures s’appuient sur l’effet Josephson et l’effet Hall quantique. La constante de Planck sert avant tout à mesurer les énergies à l’échelle quantique : elle a été introduite comme constante permettant de lier la fréquence d’un photon à son énergie. Dans la balance de Kibble, on compare l’énergie (ou la puissance) électrique (mesurée par rapport à h) à l’énergie potentielle de pesanteur d’une masse (voir l’article de M. Thomas et al., p.18). En fait, en fixanth, c’est l’unité d’énergie, plus que celle de masse, que l’on a fixée. D’ailleurs, le texte de la résolution l’indique explicitement, puisque la valeur numérique de h y est exprimée en Js. Cependant, il est possible de relier la constante de Planck à une masse par une autre méthode, qui utilise la conservation de l’impulsion. Cette méthode, décrite cidessous, repose sur le recul d’un atome qui absorbe un photon et donne accès à une masse atomique. Utilisée conjointement avec la mesure du nombre d’atomes dans une sphère monocristalline de silicium, elle constitue une alternative à la balance de Kibble (voir la figure 2 de l’article deL. Julien, p.15). Dans un faisceau lumineux monochromatique de fréquence ν, chaque photon possède une énergie égale exactement à hν et une impulsion qui vaut hk = hν/c (si ce faisceau constitue une onde plane). Lorsqu’un photon est absorbé par un objet massique (par exemple un atome de masse m), il va transférer sa quantité de mouvement à cet objet, lequel va reculer avec une vitesse inversement proportionnelle à sa masse. Cette vitesse, que l’on appelle vitesse de recul, vaut v r = hν/mc. Dans le nouveau SI, où h et c sont fixées, la mesure de cette vitesse, associée à celle de la fréquence du photon, permet donc de déterminer directement la masse de l’objet. Mesure du recul atomique L’expérience permettant de mesurer précisément cette vitesse de recul (fig. 1) a été décrite dans le numéro 59 de Reflets de la physique (p. 8). Nous en rappelons ici brièvement le principe. L’effet Doppler est utilisé pour connaitre précisément le changement de vitesse des atomes. En comparant la fréquence d’une transition avant et après l’absorption d’un photon, il est possible de déterminer ce changement de vitesse. Pour transférer la vitesse de recul aux atomes, on peut utiliser non seulement l’absorption, mais aussi l’émission stimulée d’un photon : dans ce cas, l’atome émet un photon dans la même direction que celle du faisceau laser incident. Si ce faisceau laser va dans la direction opposée à celle du faisceau utilisé pour l’absorption, alors les deux impulsions de |