Intensités fortes : applications à la recherche Les aspects technologiques Catherine Le Blanc (catherine.leblanc@polytechnique.fr) Laboratoire pour l’Utilisation des Lasers Intenses (CNRS/École polytechnique/CEA/Sorbonne Université), École polytechnique, 91128 Palaiseau Cedex Les lasers de très haute intensité se composent de quatre grandes parties (fig. III.1) : une première partie « pilote » avec un oscillateur ultracourt et un étireur d’impulsion (voir l’article de F. Druon, p.14), une deuxième partie avec des amplificateurs de puissance de tailles croissantes pompés par des lasers de très fortes énergies ; la troisième partie est le compresseur d’impulsion comprenant des grands réseaux de diffraction installés sous vide, et la dernière est le transport sous vide du faisceau et sa focalisation. Pour atteindre des intensités de plus de 10 22 W cm -2, il faut non seulement avoir des impulsions de fortes énergies (plusieurs centaines de joules), de durées très courtes (inférieures à 20 fs), mais aussi que le faisceau soit focalisable sur une petite surface (quelques microns carrés). Tous ces paramètres deviennent difficiles à atteindre quand on va vers ces extrêmes, et on est très vite rattrapé par les limites de la technologie. Dans ce contexte, Oscillateur Pilote : Génération et étirement 20 Reflets de la Physique n°61 -^"AleAMe." * le projet français Apollon 10 PW (soit 180 J, 18 fs) est un très bon exemple d’installation laser de très haute intensité qui est à la frontière de la technologie [10, 14]. Pour illustrer les défis rencontrés, nous évoquerons tout d’abord l’amplification avec le saphir dopé au titane (Ti 3+ : Al 2 O 3 noté ici Ti : Sa), milieu amplificateur qui a permis d’atteindre des records de puissance crête, puis la technologie liée à l’étirement et à la compression d’impulsions à très large spectre et à très haute énergie, et enfin la gestion de la focalisation du faisceau sur des tailles les plus petites possible. Le premier défi concerne donc l’amplification et plus particulièrement les milieux amplificateurs. On peut identifier deux grandes classes de milieux amplificateurs utilisés pour les lasers intenses : le verre dopé au néodyme (Nd : verre) et le cristal Ti : Sa. Les lasers Nd : verre ont été les premiers à être utilisés en mode CPA [1] en 1985, jusqu’à atteindre le pétawatt au Lasers de pompe Étireur Compresseur Amplificateurs Laurence Livermore National Laboratory [15] en 1999. Dans les années 1990 est apparu le Ti : Sa, qui s’est révélé être le matériau le plus propice aux impulsions ultracourtes et intenses. Avec ses 200 nm de largeur spectrale, sa conductivité thermique élevée, sa capacité à stocker beaucoup d’énergie sur une petite surface (fluence de saturation élevée), il est le meilleur candidat pour atteindre des puissances crêtes élevées. Ainsi, en utilisant des cristaux de taille suffisamment grande (200 mm de diamètre pour le Ti : Sa) (fig. III.2b), on sera capable d’extraire des énergies de plusieurs centaines de joules. Mais la difficulté ici est la fabrication de ce cristal en très grande taille. Depuis plus de vingt ans, de nombreux industriels ont travaillé sur la production de grands cristaux, homogènes en surface et en volume, mais souvent sans succès. Aujourd’hui, seule la société américaine GTAT peut fabriquer des cristaux Amplification Compression Focalisation Focalisation III.1. Principe d’une chaine d’amplification CPA, avec quatre grands blocs : le pilote, les amplificateurs de puissance, le compresseur d’impulsion et le système de focalisation. |