Pour un matériau diélectrique tel que le verre, transparent dans un large domaine spectral, l’absorption linéaire est faible et son micro-usinage sans effets secondaires devient difficile avec des impulsions laser de durée nanoseconde ou plus longue. L’ablation du matériau est alors fortement dépendante des électrons libres piégés dans les défauts et les impuretés. Mais, dès que l’intensité de l’impulsion devient supérieure à 10 13 W cm -2, le processus d’ablation entre dans un régime d’interaction très différent : des processus non linéaires tels que l’ionisation multiphotonique et/ou par effet tunnel, ainsi que le mécanisme d’avalanche, permettent une ionisation locale efficace du matériau. Ces régimes d’intensité sont devenus très facilement accessibles avec l’introduction du CPA dans les lasers femtoseconde. Le processus d’ablation devient alors fortement déterministe [11], ce qui veut dire que les seuils d’ablation sont définis très précisément et qu’ainsi l’ablation devient hautement contrôlable. De plus, la zone affectée thermiquement devient extrêmement réduite, d’où l’introduction dans les années 1990 du terme « ablation froide ». Travailler à ce niveau d’intensité avec des impulsions laser ultracourtes rend possible de micro-usiner pratiquement tous les matériaux, y compris le diamant, avec une qualité de précision dimensionnelle, de reproductibilité, de limitation de bavures et d’effets thermiques difficilement atteignable par d’autres techniques. La figure II.1 est une illustration de la précision et de la reproductibilité d’un tel procédé jusqu’à des échelles submicroniques [12]. Enfin, à l’échelle industrielle, la puissance moyenne du laser est importante pour réaliser des micro-usinages dans un temps économiquement viable. Très peu de temps après l’invention du CPA, les fabricants de lasers se sont attachés à utiliser cette technique pour augmenter la puissance moyenne, tout en rendant les sources plus efficaces et plus compactes. Cette course à la compacité et à la puissance moyenne est toujours d’actualité, et presque toutes les approches utilisées sont basées sur le CPA dès que l’on dépasse quelques watts. (a) Les lasers à excimère (contraction des mots anglais «excited» et «dimer») sont des lasers dont le milieu actif gazeux est composé d’un gaz rare (Xe, Kr, Ar) et d’un halogène (Cl, F). Ils émettent dans le domaine de l’UV (193 nm pour ArF, 308 nm pour XeCl...). Leur nom vient du fait que ces molécules ne sont stables qu’à l’état excité, l’état fondamental étant dissociatif. 18 Reflets de la Physique n°61 Les applications à l’ophtalmologie François Salin (francois.salin@ilasis.com) Ilasis Laser, 2 allée du Doyen Georges Brus, 33600 Pessac L’application des lasers femtoseconde à l’ophtalmologie a commencé par un accident qui, heureusement, s’est bien fini et a ouvert un champ très important de la chirurgie oculaire. En 1992, un chercheur du Center for Ultrafast Optical Science (CUOS) que dirigeait Gérard Mourou à l’Université du Michigan, a reçu accidentellement un tir de laser femtoseconde sur la rétine. Se rendant au Kellogs Eye Center d’AnnArbor pour un diagnostic, il excite la curiosité du médecin qui l’examine par la propreté de l’impact laser dans l’œil et l’absence de dégâts autour du point focal. La spécificité ainsi révélée est que l’interaction d’une impulsion femto seconde dans un milieu transparent est extrêmement localisée. En effet, il est possible de créer un défaut – une microbulle – en focalisant fortement un faisceau femtoseconde à l’intérieur du milieu. Au foyer, l’intensité atteint des valeurs supérieures à 10 13 W cm -2, ce qui provoque une ionisation multiphotonique de l’eau présente au sein des tissus : on voit alors apparaitre une microbulle de quelques microns de diamètre. Comme l’ouverture numérique du faisceau dépasse généralement 0,2 (soit environ 20 degrés), la bulle est localisée non seulement latéralement, mais aussi en profondeur. En déplaçant le faisceau sur l’ensemble de la surface d’un disque de 8 mm de diamètre, on crée ainsi un plan de bulles microscopiques (fig. II.2) qui ont le même effet qu’un scalpel, mais à l’intérieur de la matière et sans endommager les surfaces autour du point d’impact. Ce principe de découpe très localisée de tissus transparents est spécifique aux lasers femtoseconde. |