Comment aborder les multiples facettes du débat ? François Graner, physicien, CNRS, et Stefano Matthias Panebianco, physicien, CEA Éditeurs du dossier Un sujet qui divise L’histoire de ce numéro spécial de Reflets de la physique est longue et semée de rebondissements. Le point de départ a été le constat que le nucléaire est probablement le sujet qui divise le plus la communauté des physiciens. D’où dans un premier temps l’idée, à vrai dire assez peu originale, de proposer aux lecteurs de Reflets un article de quelques pages sur le nucléaire civil en France, en donnant la parole à des scientifiques ayant des positions opposées sur le sujet. Ce désir de débat, concrétisé par un texte synthétique et exhaustif à la fois, s’est vite heurté au constat sans appel qu’il est impossible de traiter sérieusement en quelques pages d’un sujet aussi complexe et présentant autant de facettes différentes. Convaincu de l’intérêt de présenter le débat actuel autour du nucléaire civil dans la diversité de ses aspects et implications, le comité de rédaction de la revue nous a donc donné mandat pour coordonner l’édition d’un numéro spécial totalement dédié à ce sujet, en le centrant sur la production d’électricité par fission, en France, de nos jours. Deux ans de travail des auteurs et éditeurs ont été nécessaires. Plusieurs considérations et impératifs méthodologiques ont guidé notre approche. 4 Reflets de la Physique n°60 Que trouverez-vous dans ce dossier ? Tout d’abord, quels sujets traiter ? Il est évident que les enjeux sociétaux autour des sources de production d’énergie animent, en France comme dans le reste du monde, un débat intense dans l’opinion publique, où s’entremêlent la physique, l’environnement, l’économie, la politique. Toute décision individuelle ou collective nécessite de pondérer les différentes considérations ; et chacun peut mettre en avant tel ou tel élément qui lui semble particulièrement important. Il a semblé évident dès le départ qu’il fallait associer aux sujets les plus techniques, un éclairage sur des aspects plus inattendus dans une revue de physique. En effet, les scientifiques, et les physiciens tout particulièrement, sont invités dans ce débat, parfois un peu de force, souvent avec des considérations qui dépassent leur domaine d’expertise. Cependant, les scientifiques sont d’abord des citoyens, des habitants de la planète et, à ce titre, participent aux choix énergétiques qui ont un impact sur celle-ci. Dans ce cadre, les physiciens peuvent peut-être apporter leur méthode de travail, basée sur l’analyse critique et argumentée de positions exprimées dans le cadre d’un débat contradictoire. C’est la raison pour laquelle vous trouverez dans ce numéro quatre types de contributions. D’une part (p. 6), des articles plutôt factuels sur la filière uranium et le parc nucléaire français, les déchets et le démantèlement des centrales. D’autre part (p. 16), pour planter le cadre du débat, deux entretiens croisés sur l’impact environnemental (au sens large) du nucléaire en fonctionnement normal, et sur le risque d’accidents, suivis d’un éclairage original sur le rôle des associations de contrôle de la radioactivité, de la soustraitance et sur les couts du nucléaire. Ensuite (p. 32), pour permettre une mise en contexte encore plus large de la thématique du nucléaire, des articles sur l’histoire du nucléaire civil en France et de ses relations avec ses origines de nature militaire, ainsi que des analyses sur la relation entre le nucléaire et la société, et sur le traitement que la presse a réservé et réserve encore aujourd’hui à ce débat public. Enfin (p. 44), des articles de prospective : quels scénarios peut-on envisager à l’échelle mondiale, en lien avec le climat, ou nationale, en lien avec des choix de société ; ainsi que les choix techniques ou politiques concernant les réseaux de distribution de l’énergie électrique et les pistes de recherche. |